Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 6
Le mardi 7 octobre 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mardi 7 octobre 1997
Prière.
[Traduction]
Programme d'échange de pages
avec
la chambre des communes
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, comme vous le savez,
nous avons un programme d'échange de pages avec la Chambre des communes.
J'aimerais vous présenter aujourd'hui les deux pages de la Chambre des communes
qui seront parmi nous cette semaine.
Je vous présente, à ma droite, Lesley Dampier, de Dawson Creek, en Colombie-Britannique. Lesley se spécialise dans les études environnementales à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa. Bienvenue au Sénat, Lesley.
Je vous présente, à ma gauche, Jonathan Smith, étudiant en arts à l'Université Carleton. Jonathan vient également de la Colombie-Britannique, de la ville d'Abbotsford. Bienvenue au Sénat, John.
[Français]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
The Canadian 100
Livre classant les personnalités
canadiennes les plus influentes
L'honorable Normand Grimard: Honorables sénateurs, la semaine dernière,
un livre intitulé The Canadian 100 a été lancé au Canada anglais.
Aujourd'hui, le journal Le Devoir en faisait la critique, et j'en extrais
quelques passages:
The Canadian 100, un classement des cent personnalités canadiennes les plus influentes ayant traversé le XXe siècle, pourrait bien alimenter la polémique et délier quelques langues.
Et l'auteur de l'article continue:
The Canadian 100, lancé la semaine dernière au Canada anglais, est écrit par deux historiens: Jack L. Granatstein, jusqu'à tout récemment rattaché à l'Université York, de Toronto, qui a abondamment publié sur divers pans de l'histoire canadienne.
Et l'autre auteur est Graham Rawlinson.
Nous avons voulu faire un livre sur l'influence qu'ont eu cent Canadiens dans le cours de notre histoire, a expliqué hier M. Rawlinson. De toute évidence, le classement que nous avons choisi ne fera pas l'unanimité. Mais s'il peut susciter un certain intérêt pour l'histoire du Canada et inviter les gens à se questionner sur la nature de nos choix, tant mieux!
Les honorables sénateurs seront sans aucun doute surpris d'apprendre que le deuxième nom sur cette liste, avant les Mackenzie King, Wilfrid Laurier et Pierre Elliott Trudeau, est celui de Brian Mulroney, parce que, a dit M. Rawlinson:
[...] il a changé le cours des choses au Canada.
En plus de rendre hommage à M. Mulroney, je veux également profiter de la circonstance pour souligner que sur cette liste importante et imposante, il y a le nom de notre collègue, le sénateur Louis Robichaud, que je félicite chaleureusement.
[Traduction]
La visite au Parlement européen
L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, avant, j'avais une liste des gens avec lesquels je ne voulais pas voyager. Maintenant, ayant voyagé avec le sénateur Grimard, j'ai une liste des gens avec lesquels j'aimerais voyager. Voyager avec lui a été un vrai plaisir. Il a toujours le sens de l'humour. Il est d'une hospitalité extraordinaire, et c'est vraiment un plaisir que d'être à l'étranger avec lui.À cette occasion, nous sommes allés, le sénateur Grimard, moi-même et d'autres personnes, au Parlement européen où avaient lieu diverses discussions, dont une concernait un sujet important à nos yeux. Pardonnez-moi si je me cite moi-même. J'ai fait le discours le plus bref que l'on ait jamais entendu au Parlement européen - j'ai une lourde dette de verbosité à rembourser - une minute et trente et une secondes.
w (1410)
J'ai dit que les civilisations sont des tissus embellis par les fils d'autres civilisations. J'ai également dit que cette fusion est le résultat d'inventions dans le domaine des communications, comme l'écriture en Chine et au Proche-Orient, l'addition par les Grecs de voyelles à l'alphabet du Proche-Orient de manière à pouvoir transcrire et apprendre les langues étrangères, l'utilisation du papyrus en Égypte, les presses de Guttenberg.
Nous sommes maintenant dotés de moyens de communication qui tiennent véritablement de la magie, notamment l'imagerie numérique et la réalité virtuelle. Ces innovations nous enchantent. Pourtant, elles coûtent maintenant tellement cher qu'elles sont de plus en plus le monopole des grands conglomérats américains.
L'image, le tissu de la civilisation tel que projeté par les Américains,
risque de s'appauvrir si elle n'est pas constamment alimentée par d'autres
nations. Il est donc important que d'autres pays aient le droit de protéger
leur rôle dans ce grand théâtre des idées où joue l'humanité. Ce ne serait
pas du protectionnisme mais du simple bon sens.
Le décès de J. Chester MacRae, M.C., E.D.
Hommage
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, nous rendons aujourd'hui hommage à la mémoire de l'ancien parlementaire, un éminent Canadien qui s'est voué au service de la population.John Chester MacRae est décédé le dimanche 5 octobre 1997. Cet éminent citoyen a servi son pays comme soldat et comme parlementaire. J. Chester MacRae a siégé au Parlement comme député progressiste-conservateur de la circonscription de York-Sunbury, au Nouveau-Brunswick, de 1957 à 1972, après avoir remporté six élections.
Il y a 35 ans cette semaine, prenant la parole au cours du débat sur le discours du Trône qui avait ouvert la 25e législature, Chester déclarait:
[...] que nous devrions envisager de créer un office national de l'éducation.Honorables sénateurs, tout au long de sa remarquable carrière, l'éducation a été une priorité pour ce grand parlementaire. En tant que soldat, il a été capitaine du North Shore Regiment du Nouveau-Brunswick et a participé à l'invasion de la France le jour J.
Militaire, il a reçu de nombreuses décorations, dont la Croix militaire. Vers la fin de sa vie, il a été nommé colonel honoraire du First Battalion Royal New Brunswick Regiment, le régiment Carleton-York. On se souviendra de lui pour sa bravoure en tant que soldat et pour sa compassion et son dévouement en tant que distingué député.
Le traité international sur
les mines terrestres
Félicitations aux participants
à l'occasion
de son achèvement
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, la semaine dernière, le
ministère des Affaires étrangères a organisé une séance d'information sur
le rôle du Canada en ce qui concerne le traité sur les mines terrestres. Je
voudrais féliciter les organisations non gouvernementales menées par
l'International Campaign to Ban Land Mines, la Global Coalition of States, les
organisations internationales et les organismes des Nations Unies et enfin et
surtout l'honorable Lloyd Axworthy, qui a réussi à mener une campagne pour
interdire l'utilisation des mines antipersonnel.
On ne peut que louer les efforts de Lloyd Axworthy, qui a donné l'exemple dans cette grande cause mondiale par l'entremise du processus d'Ottawa qui a remporté un brillant succès si rapidement. En octobre 1996, le Canada a été l'hôte de la première réunion des organisations non gouvernementales, des organisations internationales et des gouvernements pour discuter d'une stratégie d'interdiction totale des mines antipersonnel, et le traité devrait être signé en décembre 1997.
Le traité sur l'interdiction de ces mines, qui a l'appui d'environ 100 pays, n'est pas simplement une victoire pour les considérations humanitaires fondamentales étant donné que ces mines blessent surtout des civils et principalement des femmes ou des enfants. Ce n'est pas simplement la victoire du bon sens sur la brutalité, l'illogisme des militaires sur le plan stratégique alors que les soldats comme ceux qui ont combattu durant la guerre de Corée ont plus de chances d'être tués par leurs propres mines que par celles de l'ennemi. C'est le triomphe du bon sens et d'une saine utilisation de la terre.
Il y a déjà plus de 100 millions de mines terrestres qui sont posées dans le monde entier et on en pose 2,5 millions de plus chaque année. Cependant, il n'y a pratiquement pas de carte pour les localiser et ainsi, d'immenses superficies de terres ne peuvent être labourées. Chaque année, près de 25 000 civils se font tuer et il faudra dépenser entre 200 milliards et 300 milliards de dollars pour désamorcer ces petites armes horribles et peu coûteuses (soit entre 3 $ et 30 $ pièce). Les sapeurs formés à cette fin doivent péniblement les désamorcer une à une.
Soit dit en passant, le syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile a effectué la plus importante dépense sur le plan social jamais faite par un syndicat, soit un fonds de 1,25 million de dollars pour désamorcer les mines terrestres au Mozambique.
Il est vraiment incroyable qu'on soit parvenu à une entente sur cette question, mais notre plus grande victoire sera de parvenir à des mesures concrètes en ce qui concerne la fabrication et le contrôle des armements. Si on en croit les médias, M. Axworthy entend s'attaquer à des projets encore plus grands et plus importants - l'interdiction de la vente d'armes légères, le démantèlement des ogives nucléaires russes et américaines, et non, on peut l'espérer, en brûlant le plutonium dans les réacteurs nucléaires du Canada qui connaissent un destin malheureux. Pour donner suite peut-être aux initiatives des Australiens qui ont proposé l'élimination de toutes les armes nucléaires, le ministre envisage également de faire de l'OTAN une alliance dénucléarisée.
La tentative faite par le ministre et les ONG du monde entier pour faire avancer les choses sur ces questions pourrait conduire à un énorme changement de paradigme. Chaque année, on consacre aux armements plus d'un billion de dollars américains dans le monde entier. Le ministre parle, dans une récente entrevue, d'une vision globale, d'une vision du monde dans laquelle les pays ne se feraient pas la guerre pour régler des différends.
Tous ces efforts vraiment stupéfiants vont, je l'espère, obtenir l'appui et peut-être l'aide des sénateurs des deux côtés. Un comité sénatorial de la défense nouvellement formé pourrait notamment consacrer une large partie de ses travaux à ces idées d'une portée considérable sur le désarmement, que l'on doit à ce ministre visionnaire des Affaires étrangères.
[Français]
Le décès de M. Robert Bryce
Hommage
L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, il y a quelques mois, nous perdions un grand serviteur de l'État canadien, Robert Bryce. Permettez ici à un ex-fonctionnaire de rappeler brièvement à votre mémoire le rôle considérable qu'a joué ce mandarin fédéral dans la destinée de notre pays.Robert Bryce était un mathématicien brillant qui, dans les années 30, poursuivit ses études en économie à l'Université de Cambridge. Il était avec Harold Wilson un étudiant des premiers rangs dans la classe de John Maynard Keynes qui avait l'habitude de recevoir des élèves chez lui, de sorte que lorsque le fameux livre La Théorie générale de l'emploi de l'intérêt et de la monnaie de Keynes parut en 1936, Bryce en connaissait déjà bien toute les complexités qu'il expliqua d'ailleurs lui-même à la faculté de Harvard, c'est-à-dire à des gens comme Alvin Hansen, Seymour Harris et John Kenneth Galbraith. Granatstein, dans The Ottawa Man, décrit bien cette phase stratégique de la carrière de Bryce avant son recrutement par Clifford Clark au gouvernement du Canada.
Il fut par la suite le technocrate par excellence du ministère des Finances, et j'aimerais vous citer deux courts passages du volume de Granatstein:
[Traduction]
Le regard perçant à travers ses verres épais, M. Bryce accomplissait son travail avec beaucoup d'intelligence et d'énergie, et ses fonctions touchaient presque tous les aspects des finances gouvernementales [...]
C'est la guerre qui a fait la réputation de M. Bryce. Quand une question était posée, il pouvait s'y attaquer et produire, en une nuit, un mémoire de 30 pages très bien écrit sur le sujet. Il pouvait assimiler d'énormes quantités de données et sa réserve d'idées était impressionnante.
[Français]
De sorte que c'est un homme qui a contribué d'une façon éloquente à l'essentiel de la formulation de la politique économique du gouvernement canadien d'après-guerre à la suite du rapport sur l'Emploi et le Revenu. Cette application de la théorie keynésienne à la politique canadienne eut aussi pour effet de modifier profondément le fédéralisme canadien, comme l'a bien démontré le sénateur Maurice Lamontagne, qui fut un de ses amis. Lui, toutefois, se savait plus efficace dans les comité gouvernementaux dont les façons de faire sont à mi-chemin, si on peut dire, des séminaires universitaires.
Bob Bryce était, avec George Davidson, Mitchell Sharp, Jean-Marie Martin, Ted Hodgetts, Jake Warren, Gordon Robertson, Jean-Marc Hamel et d'autres, un participant actif aux réunions annuelles de l'Institut d'administration publique du Canada. Je me souviens qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, en 1964 je crois, notre conversation avec Bryce avait duré toute la nuit en compagnie d'Al Johnson, Edgar Gallant, Jean Fournier, Michel Bélanger et quelques autres.
Pour nous, ces rencontres étaient aussi stimulantes que celles que nous avions à Québec au même moment avec André Laurendeau durant la Révolution tranquille. Nous vivions alors dans cette atmosphère interventionniste fervente, sans avoir encore réalisé que les règles de la pratique démocratique en Occident retiennent en fait les hommes politiques de différer les gratifications aux groupes sociaux. C'est ce qui explique, selon l'expression parue dans The Economist récemment, «the puzzling failure of economics».
Ce n'est que plus tard que certains d'entre nous aperçûmes la sagesse des vues d'Hayek. Bob Bryce oeuvra aussi au Fonds monétaire international et fut un conseiller écouté de plusieurs chefs d'État après l'avoir été pour une demi-douzaine de premiers ministres du Canada, de M. King à M. Trudeau.
À la retraite, il s'appliqua à écrire l'histoire du ministère des Finances. Son Maturing in Hard Times fait maintenant partie de notre patrimoine.
Même si les conséquences de ses avis économiques n'ont pas été toujours été heureuses, personne ne niera à Bob Bryce son titre de haut fonctionnaire exceptionnel de ce pays.
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
La réforme du droit de garde et
de visite des enfants
Avis de motion visant la
création d'un
comité mixte spécial
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables
sénateurs, je donne avis que, jeudi prochain, 9 octobre 1997, je proposerai:
Que soit formé un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes chargé d'examiner et d'analyser les questions des ententes concernant l'éducation des enfants après la séparation ou le divorce des parents. Plus particulièrement, que le comité mixte soit chargé d'évaluer le besoin d'une approche davantage centrée sur les enfants dans l'élaboration des politiques et des pratiques du gouvernement en droit de la famille, c'est-à-dire une approche qui mette l'accent sur les responsabilités des parents, plutôt que sur leurs droits, et sur les besoins des enfants et leur meilleur intérêt, au moment de la conclusion des ententes concernant l'éducation des enfants;
Que le comité mixte soit formé de sept sénateurs et seize députés avec deux coprésidents;
Que tout changement dans la députation influant sur la composition des membres du comité prenne effet immédiatement après que l'avis signé par la personne agissant à titre de whip en chef d'un parti reconnu a été déposé auprès du secrétaire du comité;
Qu'il soit ordonné au comité de mener de vastes consultations et d'examiner les démarches adoptées à l'égard de ces questions au Canada et dans les régimes gouvernementaux comparables;
Que le comité ait le pouvoir de siéger pendant les séances et les périodes d'ajournement du Sénat;
Que le comité ait le pouvoir de faire rapport de temps à autre, de convoquer des témoins, de demander le dépôt de documents et de dossiers, et de faire imprimer des documents et des témoignages dont le comité peut ordonner l'impression;
Que le comité ait le pouvoir de recourir aux services d'experts, notamment de conseillers juridiques, de professionnels, de techniciens et d'employés de bureau;
Que le quorum du comité soit fixé à douze membres lorsqu'il y a prise d'un vote, d'une résolution ou d'une décision, à la condition que les deux Chambres soient représentées, et que les coprésidents soient autorisés à tenir des réunions, à entendre des témoignages et à autoriser leur impression, pourvu que six membres du comités soient présents et que les deux Chambres soient représentées;
Que le comité soit habilité à désigner certains de ses membres pour constituer autant de sous-comités qu'il le jugera utile, et à déléguer auxdits sous-comités la totalité ou une partie de ses pouvoirs, à l'exception de celui de faire rapport au Sénat et à la Chambre des communes;
Que le comité ait le pouvoir d'autoriser la télédiffusion et la
radiodiffusion de tous ses travaux;
Que le comité présente son rapport final au plus tardle 30 novembre 1998; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La défense nationale
Le programme de remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage-La possibilité d'une annonce de la décision du gouvernement
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai une question pour le leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement avait promis qu'il annoncerait le remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage avant la fin du mois de septembre de l'année courante. Avant cela, il avait donné trois dates limites auxquelles il ferait une annonce à cet égard. C'est aujourd'hui le 7 octobre 1997 et nous sommes loin d'une annonce de remplacement des hélicoptères.Il est inexcusable de la part du gouvernement de ne pas avoir le courage d'annoncer le remplacement des hélicoptères Labrador. Quand est-ce que le gouvernement regardera Boeing entre quatre yeux et prendra son courage à deux mains pour faire une annonce touchant tous les Canadiens?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Forrestall pourrait sans doute regarder Boing entre quatre yeux car il sait sans doute quelque chose que j'ignore. Quoi qu'il en soit, je tiens à assurer à tous mes honorables collègues que ce très important dossier fait des progrès et que nous espérons qu'il y aura une annonce dans un avenir pas trop éloigné.
Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, c'est la réponse qu'on nous a donnée il y a deux ans. Le matériel actuel n'est plus très fiable. En 1993, tout au début de son mandat, le gouvernement a annulé le projet du EH-101, hélicoptère qui aurait remplacer à la fois le Labrador et le Sea King. Les hélicoptères Sea King assurent un service honorable et sûr depuis 30 ans, mais maintenant ces appareils sont vieux et peu fiables. Personne n'aimerait être obligé de conduire une Lada, une Chevy ou une Ford de 30 ans, et pourtant nous demandons à nos équipages de piloter des hélicoptères qui ont 30 ans. C'est illogique.
Le gouvernement va-t-il enfin prendre ses responsabilités à l'égard des forces armées canadiennes et annoncer le remplacement du Sea King en même temps que celui de l'hélicoptère de recherche et de sauvetage?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je veux renouveler mes assurances à l'honorable sénateur que le gouvernement prend au sérieux non seulement ce dossier mais aussi ses questions. Plusieurs options sont à l'étude. Comme je l'ai dit plus tôt, on espère faire une annonce dans un avenir pas trop éloigné.
[Français]
Les Affaires étrangères
Mauvais usage des passeports canadiens par les agents israéliens-Possibilité de créer un comité spécial pour étudier ce sujet-La position du gouvernement
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'aimerais demander au leader du gouvernement si le gouvernement à l'intention d'instituer un comité spécial du Sénat où nous pourrons avoir plus de tranquillité pour étudier la question qui trouble tous les Canadiens détenteurs d'un passeport canadien, c'est-à-dire l'abus invraisemblable qu'en font les services de sécurité d'Israël pour se permettre des assassinats que je qualifierais de terrorisme d'État. Est-ce que le ministre pourrait nous répondre aujourd'hui?[Traduction]
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais pas si quelqu'un a l'intention de proposer la création d'un comité spécial pour enquêter sur cette question, comme le demande le sénateur. Tout le monde a entendu ce que le premier ministre et M. Axworthy avaient à dire à ce sujet. M. David Lévy, le ministre des Affaires étrangères d'Israël, a exprimé ses regrets au sujet de cet incident au nom du gouvernement d'Israël. M. Lévy s'est également excusé du retard dans les réponses aux questions du Canada au moment de l'incident, lequel était dû à une importante fête religieuse. M. Lévy a convenu que le Canada et Israël devraient se consulter en matière de passeports et d'affaires consulaires.
L'objectif du gouvernement canadien était de faire valoir à Israël, ainsi qu'aux autres pays, que les gouvernements et organismes officiels étrangers ne devraient jamais utiliser de passeports canadiens. Nous allons envoyer un haut fonctionnaire en Israël, cette fin de semaine, pour leur rappeler ce point important.
w (1430)
Le Canada n'approuve pas le recours à l'assassinat pour combattre le terrorisme. Comme les sénateurs le savent, nous avons rappelé notre ambassadeur en Israël pour exprimer notre mécontentement face à cette affaire. C'est une manoeuvre diplomatique extrêmement sérieuse. Nous regrettons beaucoup d'avoir dû prendre cette initiative, vu les bonnes relations et l'amitié que le Canada et Israël entretiennent depuis longtemps.
Je comprends les sentiments de l'honorable sénateur Prud'homme et j'en ferai part aux intéressés.
Le sénateur Prud'homme: Je remercie le leader de sa réponse. Je lui ferais remarquer que M. Axworthy n'est pas le premier ministre du Canada et M. Lévy n'est pas le premier ministre d'Israël.
Ce genre d'assurance a déjà été donné maintes fois: «Nous n'utiliserons plus de passeports canadiens.» C'est la réputation du Canada qui est en cause.
Je ferai rapport au Sénat d'un voyage très long que j'ai effectué cet été, à mes frais, en Syrie, en Jordanie et en Égypte. Je vous dis, monsieur le ministre, que c'est la réputation du Canada qui est en jeu en ce moment. Nous ne voyons peut-être pas beaucoup de gros titres dans les journaux du Canada, mais le personnel du leader et celui du gouvernement devraient voir les gros titres qui paraissent actuellement dans les journaux de la Jordanie et d'ailleurs. Je ne suis pas ici pour faciliter des ententes entre le roi de Jordanie et Israël. Je suis ici pour défendre l'intégrité du passeport canadien, dont on fait un mauvais usage et qu'on a presque ridiculisé ce matin. C'est pourquoi j'attire votre attention sur une déclaration de Robert Ritter, du comité Canada-Israël. Il comparait presque l'utilisation qu'on a faite de passeports canadiens à l'utilisation, par des enfants non canadiens, du drapeau sur leurs sacs à dos. Ces enfants qui arborent mon drapeau canadien ne parcourent pas le monde pour tuer des gens. Ils se servent de la bonne réputation dont jouit le Canada. Si vous aviez des enfants ou des nièces et des neveux - comme j'en ai - est-ce que vous leur suggéreriez d'apposer un drapeau canadien sur leur sac à dos et de voyager dans le Moyen-Orient aujourd'hui?
Je ne tournerai pas autour du pot. J'ai l'impression que le gouvernement, pour bien des raisons, agit sous l'effet de pressions de toutes sortes. Aujourd'hui, la GRC a annoncé qu'elle engagera des poursuites contre deux personnes qui portent des noms arabes parce qu'elles ont utilisé un passeport canadien. Elle est au courant de cette situation depuis mai et le procès aura lieu en avril prochain. Quelle étrange coïncidence. Que faisons-nous contre les Canadiens qui donnent volontairement leur passeport ou qui acceptent qu'on l'utilise? C'est ce que les Canadiens veulent savoir.
Le leader du gouvernement ne pense-t-il pas qu'il est temps que nous cessions de tourner autour du pot et que nous tenions une enquête dont le titre comprendra le terme «terrorisme»? Le meilleur moyen de mettre fin au terrorisme serait de faire justice aux Palestiniens. Je peux dire aux honorables sénateurs qu'on n'entendrait plus parler de toutes ces organisations par la suite. Cependant, cette question fera l'objet d'un autre débat.
Le ministre n'envisagera-t-il pas la création d'un comité sénatorial chargé d'examiner l'intégrité du passeport canadien? Le Code criminel renferme des articles - les articles 57 et 58 - concernant l'utilisation du passeport canadien. Tout le monde demande: «Que fait le Canada?» Que fait le gouvernement canadien dans ce dossier?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, les passeports sont en notre possession et sont soumis, au moment où je vous parle, à une analyse judiciaire. Un examen préliminaire a permis de confirmer non seulement que les passeports étaient faux, mais qu'ils avaient fort probablement été fabriqués à l'extérieur du Canada.
Personne ne défend aussi honorablement et farouchement le Canada et le passeport canadien que le sénateur Prud'homme, j'en conviens. Toutefois, je suis en complet désaccord sur un autre point qu'il a fait valoir. Pour résumer la pensée du sénateur Prud'homme, je dirais qu'il ne recommanderait pas aux jeunes Canadiens, aux enfants de ses amis, à de jeunes parents, d'afficher le drapeau canadien sur leur sac à dos au cours d'un séjour dans cette région du monde. J'espère que nous n'en arriverons jamais à cela, car s'il y a un drapeau, un étendard, qui peut être affiché partout dans le monde avec fierté et en toute sécurité, c'est bien le drapeau canadien.
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question à poser.
Le ministre peut-il me dire quand le drapeau canadien est important? Quand est-il glorieux? Quand est-il le meilleur au monde? Je regrette d'avoir à vous le dire ainsi. Était-ce quand M. Charest, le chef du Parti conservateur, a de façon très efficace remporté presque à lui seul le référendum du Québec,
avec une majorité de seulement 55 000 voix? Je suis surpris que le parti du
leader n'ait posé aucune question à ce sujet. M. Charest a parcouru l'ensemble
du Québec. Pour la gouverne des habitants du Canada anglais qui ne seraient pas
au courant, je dirai que M. Charest est allé de Gaspé à Val d'Or, de St-Jean
au Saguenay au Lac St-Jean, affirmant partout où il passait que le passeport
canadien est le plus important, le plus respecté dans le monde. Je suis
extrêmement déçu de la façon dont il est traité à la Chambre des communes.
J'étais là hier. J'étais là la semaine dernière et j'attendais qu'on pose
des questions. Les honorables sénateurs veulent-ils savoir pourquoi? Je
présenterai une motion et nous pourrons en discuter pendant 15 minutes.
Nous sommes conscients des pressions qui sont exercées; nous ne sommes pas bêtes. Il n'y a pas un sénateur assez bête pour croire que nous ne subissons pas de pressions de la part de gens qui veulent que nous oublions cette affaire dès que possible. Je le répète: l'intégrité du Canada est en jeu. Je suis déçu des questions qui ont été posées à la Chambre des communes. Si Diefenbaker et Nielsen étaient encore vivants, je peux dire aux honorables sénateurs que le gouvernement subirait tellement de pressions qu'il lui faudrait agir. La semaine dernière et encore hier, les députés se sont éparpillés et n'ont pas réussi à se concentrer sur une question aussi importante aux yeux des Canadiens.
Est-ce que le Sénat au moins assumera ses responsabilités - je serais étonné d'être nommé membre de ce comité - et formera-t-il un comité qui fera enquête et fera savoir au monde entier que nous n'accepterons pas que des gens falsifient le passeport canadien? Voilà le message qu'il faut transmettre. Voilà le message que devrait déjà avoir reçu le Moyen-Orient. Les leaders du Moyen-Orient peuvent bien nous trouver gentils, mais le leader va-t-il oui ou non envisager la possibilité de créer un comité sénatorial qui fera enquête dans ce dossier?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, les règles stipulent que tout sénateur peut lancer un processus d'enquête. J'invite l'honorable sénateur à amorcer...
Le sénateur Prud'homme: Appuyé par?
Le sénateur Graham: ...un processus d'enquête en cette Chambre.
Le sénateur Prud'homme: Accepterez-vous de m'appuyer?
Le sénateur Graham: Je tiens à préciser que personne ne fait pression sur moi, ou sur l'un de mes collègues à ce que je sache, pour que nous nous intéressions à cette affaire ou que nous nous en désintéressions. Si tel était le cas, pourquoi le Canada déléguerait-il en Israël un envoyé spécial dont le mandat est de discuter de cette question et d'examiner tous les détails pertinents?
L'honorable sénateur demande quand le passeport canadien sera reconnu comme le meilleur au monde. Je lui réponds: dès aujourd'hui et pour toujours, espérons-le.
Des voix: Bravo!
L'environnement
L'augmentation des émissions de
gaz à effet
de serre-La possibilité d'obtenir une exemption
à la prochaine conférence qui aura lieu au Japon-
La position du gouvernement
L'honorable Ron Ghitter: Ma question s'adresse à l'honorable leader du
gouvernement au Sénat que je félicite d'avoir accédé à un poste aussi
prestigieux. Je suis convaincu qu'il fournira des réponses pertinentes à nos
questions. Je suis également convaincu qu'il ne tardera pas à nous les
transmettre et qu'il ne les formulera pas en termes évasifs. Nous allons tout
de suite le mettre à l'épreuve, honorables sénateurs, afin de voir ce qu'il
en est vraiment.
En 1992, le gouvernement canadien s'est engagé à stabiliser, d'ici l'an 2000, les émissions de gaz à effet de serre aux niveaux de 1990. Or, ces émissions ont depuis lors augmenté de 8 p. 100.
Quelle position le gouvernement canadien entend-il adopter aux réunions qui auront lieu en décembre à Kyoto, au Japon, en ce qui concerne l'engagement qu'il avait pris en 1992?
w (1440)
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous pouvons espérer remettre un rapport d'étape positif aux réunions de Kyoto. La ministre de l'Environnement y représentera le Canada. La fin de semaine dernière, elle a pris part à des réunions préparatoires à celles qui auront lieu à Kyoto. Je crois savoir qu'aucun pays n'a fait droit aux attentes de 1992, mais il est à espérer que des progrès pourront être signalés.
Le sénateur Ghitter: La ministre de l'Environnement a déclaré que, à Kyoto, le Canada demanderait une exemption pour les émissions de gaz à effet de serre, ce qui donne un piètre idée du bon travail que le Canada a accompli dans ce domaine. Quelles exemptions le Canada compte-t-il demander à Kyoto?
Le sénateur Graham: Je prends note de la question et je tenterai d'avoir une réponse détaillée.
Le sénateur Ghitter: La ministre de l'Environnement,Mme Stewart, a-t-elle rencontré des représentants du gouvernement de l'Alberta ou de l'industrie pour déterminer ce que devrait être la position du Canada, compte tenu des graves répercussions que cette question peut avoir pour l'Alberta?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne peux préciser si la ministre a rencontré le ministre responsable en Alberta, mais je crois qu'elle a rencontré les représentants des gouvernements de chaque province. Si elle ne l'a pas fait, elle le fera avant de se rendre à Kyoto.
Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, les représentants de l'industrie sont renversés du fait qu'ils ne seront pas autorisés à présenter leurs observations à ces réunions très importantes de Kyoto, réunions qui auront de graves répercussions sur l'industrie pétrolière et gazière du Canada. Le leader du
gouvernement voit-il la situation de cette façon? Si oui, pourrait-il faire les démarches qui conviennent auprès de la ministre pour qu'il y ait un représentant de l'industrie pétrolière et gazière du Canada à Kyoto afin de discuter de ces questions très importantes?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne peux répondre ni oui ni non à la question du sénateur, mais je serai heureux de faire les démarches auprès de la ministre responsable.
Le sénateur Ghitter: Plus ça change, plus c'est pareil pour ce qui est des réponses, mais nous espérons recevoir une réponse au plus tôt.
La réduction des émissions de
gaz à effet de serre-
La possibilité de fixer des cibles-
La position du gouvernement
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, comme le sénateur
Ghitter aurait voulu poser cette question s'il en avait eu le temps, je la
poserai à sa place.
Le gouvernement canadien acceptera-t-il des réductions fermes - c'est-à-dire des réductions ciblées - et dans un délai plus court? C'est la question fondamentale. Tout ce que nous avons pour le moment, c'est le respect volontaire, mais le respect volontaire a mené le Canada à cette situation très déplorable où nous traînons derrière la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Russie et beaucoup d'autres pays en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Vous avez une autre chance de réussir le test.
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crains toujours de proposer des cibles. Elles sont bonnes pour le tir, mais on réussit rarement à mettre en plein dans le mille.
Il serait cependant louable de nous en donner. Je vais devoir discuter avec mon honorable collègue pour savoir s'il y aura ou non des cibles et en quoi elles consisteront.
La justice
Le recel de criminels de guerre-La possibilité de légiférer pour aider les tribunaux internationaux
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je pourrais peut-être poser une autre question au sénateur Graham.Le Canada a toujours montré l'exemple dans les contextes multilatéraux pour assurer la sécurité de nos citoyens et celle des autres. À cet égard, nous avons joué un rôle de premier plan pour l'adoption de conventions concernant les armes légères, de traités concernant les droits de la personne et, plus récemment, concernant les mines terrestres. Le Canada a également déclaré très énergiquement qu'il est aussi important d'exécuter et de mettre ces traités en oeuvre que de créer de nouvelles initiatives.
Le Canada a également appuyé le concept des tribunaux institués pour juger les criminels de guerre et la poursuite des auteurs d'atrocités dans le monde. Or, au Canada, nous ne semblons pas disposer, du moins de l'avis des spécialistes, de lois nous permettant d'aider ces tribunaux à accomplir ce travail important. Je songe plus particulièrement au fait que, lorsque des mandats internationaux sont émis contre des criminels de guerre reconnus qui se sont établis au Canada - et je ne parle pas des petits délinquants, mais des criminels responsables d'un génocide ou de drames comme ceux de la Bosnie et du Rwanda - nous n'avons aucune loi qui nous donne les moyens d'aider ces tribunaux internationaux à les faire comparaître.
Quand le Canada va-t-il se doter de ce type de loi qui fera en sorte que nous n'abriterons pas de criminels de guerre et que nous aiderons plutôt les tribunaux internationaux à les juger?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est entendu, je crois, que le Canada collaborera avec les tribunaux internationaux. Cependant, pour entrer dans les détails de tout projet de loi qui pourrait être présenté, il faudra que je consulte mes collègues.
Le sénateur Andreychuk: Au cours de mes recherches, je me suis fait dire que le ministère de la Justice examinait la question et présenterait peut-être des mesures législatives, mais dans le cadre d'un projet de loi d'ensemble en matière pénale. Si on tient compte de la réaction des députés de l'opposition à l'autre endroit - en fait, ils font obstacle à l'intégration adéquate des vrais réfugiés au Canada - et que les criminels de guerre, en l'absence d'une mesure législative restrictive, menacent la sécurité du Canada, la présentation d'une telle mesure législative devrait être prioritaire. J'exhorte le leader du gouvernement à demander au ministre de la Justice un message de cesser d'atermoyer et de présenter cette mesure législative dès maintenant.
Je songe ici à la situation de madame le juge Arbour. Nous avons compris que c'était une priorité que de faire siéger ce juge à un tribunal international en dépit du fait qu'il a fallu quelques manigances pour en arriver là, entre autres de prendre un raccourci très inhabituel pour la faire nommer. Ne pouvons-nous pas prendre un raccourci tout à fait défendable pour adopter cette mesure législative nécessaire?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je vais examiner ces idées à fond avec mes collègues. Je remercie le sénateur de ses très utiles propositions.
Les transports
La privatisation du système de
navigation aérienne-
L'absence d'une évaluation indépendante-
La position du gouvernement
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, mes observations et ma
question s'adressent au leader du gouvernement au Sénat.
Premièrement, je tiens à vous féliciter. J'ai apprécié votre humour la semaine dernière, mais qu'est-il advenu de celui-ci cette semaine?
Le sénateur Graham: Quoi qu'on fasse, il y a toujours des mécontents!
Le sénateur Stratton: Le vérificateur général a dit que Transports Canada n'a pas tenu compte de ce qu'il en coûterait aux contribuables lorsqu'il a déterminé la valeur de notre système de navigation aérienne avant de le vendre à une entité sans but lucratif, Nav Canada - ce qui s'est soldé par une perte d'environ un milliard de dollars. Le Cabinet a accepté la recommandation du ministère qui préconisait le transfert du système de navigation aérienne moyennant un paiement négocié de 1,5 milliard de dollars, soit environ un milliard de dollars de moins que la valeur d'exploitation courante évaluée à2,4 milliards de dollars par les conseillers financiers du ministère. Le Cabinet et le ministère ont agi ainsi sans demander l'avis d'un vérificateur financier indépendant.
Voici ma question: pourquoi le Cabinet n'a-t-il pas demandé une évaluation indépendante de cette transaction qui, selon le vérificateur général, équivaut à une subvention de l'ordre d'un milliard de dollars que les contribuables canadiens auraient versée à Nav Canada?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le vérificateur général a fait certaines observations très intéressantes sur une vaste gamme de questions. Le transfert du système de navigation aérienne à une entreprise sans but lucratif garantira aux Canadiens un système de navigation aérienne sûr, efficace et efficient pendant de nombreuses années à venir.
Le sénateur Forrestall: Ne recommencez pas à lire ce document maintenant!
Le sénateur Graham: Si vous veniez lire par-dessus mon épaule, sénateur Forrestall, vous seriez peut-être plus informé.
Les conseillers financiers ont présenté - en s'appuyant sur des hypothèses et des modèles différents - des évaluations très variées du système de navigation aérienne, évaluations allant d'environ 1,1 milliard de dollars à 2,6 milliards de dollars. Le règlement financier de 1,5 milliard de dollars a été convenu à la suite de négociations longues et complexes. Le montant reçu constituait une somme raisonnable et parfaitement justifiable pour le système visé. La véritable valeur reçue va bien au-delà de la valeur réelle en espèces.
w (1450)
L'acheteur a assumé un certain nombre de dettes et de risques par suite de négociations d'une grande portée sur les conditions du transfert, et le prix doit être examiné dans le contexte historique des négociations qui se sont déroulées en 1995-1996. L'avenir de l'industrie de l'aviation, le climat économique du pays et les défis que représentent la modernisation et la simplification du système de navigation aérienne tout en maintenant l'harmonie au sein des travailleurs ont été autant de facteurs qui ont influé sur l'établissement d'une juste valeur marchande par le gouvernement.
Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je félicite le leader du gouvernement pour cette remarquable réponse à ma question qu'ont rédigée ses attachés de recherche.
Cependant, nous devrons quand même régler le problème dans l'avenir. Si le gouvernement compte céder la propriété de divers ministères, ou d'autres organismes, il doit mettre en place un système servant à déterminer de façon juste et exacte la valeur de ce qu'il cède; il ne s'agit pas d'un système interne, mais d'un mécanisme indépendant pour pouvoir offrir un prix réaliste sur le marché. Le gouvernement mettra-t-il en place un tel système pour que cela soit garanti dans l'avenir?
Le sénateur Graham: Oui, honorables sénateurs.
Le sénateur Stratton: Autrement dit, les attachés de recherche du leader ne se sont pas penchés sur cette question.
L'environnement
Le transport transfrontalier de déchets dangereux illégaux-La position du gouvernement
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, le vérificateur général dit qu'une quantité importante de déchets dangereux illégaux traversent notre frontière. Il dit aussi que ceux qui se livrent à ce genre d'activité ont peu de chance de se faire prendre et que la possibilité qu'Environnement Canada détecte les chargements illégaux de déchets dangereux à la frontière est limitée. Pire encore, il est encore plus difficile de détecter la présence de déchets dangereux dans les cours de triage ou dans les ports. Les douaniers ont besoin de plus de formation, et la loi n'est pas assez claire.Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire ce que compte faire le gouvernement pour protéger notre frontière contre ce qui est une activité très lucrative pour certaines personnes au détriment des Canadiens et de notre environnement?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Cette question exige une réponse détaillée, honorables sénateurs, et je la ferai préparer à la première occasion.
La diminution des stocks de
chlorofluorocarbures-
La position du gouvernement
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, puisque le leader se
renseignera à ce sujet, il pourrait peut-être aussi répondre aux remarques
qui ont été faites récemment au cours d'une émission diffusée par la SRC,
où l'on a dit que nos stocks de chlorofluorocarbures diminuaient et que, encore
une fois, il ne semblait pas y avoir de moyen d'empêcher cela. Étant donné
que, comme les sénateurs le savent, c'est là un important facteur dans
l'appauvrissement de la couche d'ozone et étant donné que le Canada s'est
engagé à réduire cet appauvrissement, quelles mesures précises le
gouvernement est-il disposé à prendre pour corriger cette très grave
situation?
Le leader pourrait peut-être demander à ses collègues de répondre à cette question également.
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je le ferai avec plaisir, honorables sénateurs.
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser. Lorsqu'on a demandé au ministre, durant cette émission diffusée par la SRC, ce que le gouvernement allait faire au sujet de tous ces chlorofluorocarbures qui traversent la frontière, il a répondu en disant: «Eh bien, nos stocks diminuent.» Autrement dit, cela ne semblait pas être un problème grave. En réalité, il semblerait que le Canada soit en train de devenir le pays intermédiaire où les CFC sont expédiés par les autres pays avant d'être transportés aux États-Unis.
Il faudrait demander au ministre pourquoi on continue de faire tant d'argent si les stocks diminuent. Il faudrait lui demander aussi s'il maintient la réponse qu'il a donnée à la question qui lui a été posée, soit que nos stocks diminuent.
Le sénateur Graham: Je serai heureux de transmettre cette question au ministre et je vous communiquerai la réponse le plus tôt possible.
La justice
Le paiement des frais juridiques
de l'ancien
ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien-L'annonce récente-
La position du gouvernement
L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, le leader du
gouvernement au Sénat pourrait-il confirmer le contenu d'un article du Toronto
Star du 7 octobre qui a été reproduit dans le Quorum d'aujourd'hui?
On y lit ceci:
Le premier ministre Jean Chrétien est prêt à payer une partie des frais juridiques encourus par un ancien ministre libéral qui a passé des années devant les tribunaux pour restaurer l'intégrité de sa réputation [...]
Il s'agit, évidemment, de John Munro. Il s'agit d'ailleurs d'une bonne nouvelle et il faut féliciter le sénateur Berntson pour être constamment revenu à la charge avec ses questions sur le sujet.
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, justement, jeudi dernier, à la dernière séance du Sénat, le sénateur Berntson a posé une série de questions sur M. Munro. Je crois que, à ce moment-là, je l'ai félicité de porter régulièrement ce sujet à l'attention des honorables sénateurs.
Cependant, puisque la question est devant les tribunaux, il ne conviendrait pas...
Le sénateur Lynch-Staunton: Qu'est-ce qui est devant les tribunaux?
Le sénateur Graham: L'affaire Munro est devant les tribunaux. Il ne conviendrait pas que je commente cette affaire si ce n'est pour dire que le gouvernement étudiera sérieusement toute proposition formulée pour régler la question de façon juste et équitable pour M. Munro et pour la population canadienne.
Le sénateur MacDonald: L'honorable sénateur pourrait-il nous préciser quelle affaire concernant M. Munro est devant les tribunaux?
Le sénateur Graham: Je crois comprendre que la question du paiement de ses honoraires d'avocat est devant les tribunaux.
Réponse différée à une question orale
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, dommage que le sénateur Carney ne soit pas à son pupitre, car j'avais promis la semaine dernière de lui fournir des précisions en ce qui concerne le dossier du saumon de la côte du Pacifique. Si vous me le permettez, honorables sénateurs, j'aimerais déposer maintenant ces renseignements.
Les pêches et les océans
La non-exécution du plan
Mifflin-La disponibilité
des fonds de recyclage promis aux pêcheurs de la Colombie-Britannique-La
position du gouvernement
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): La priorité
numéro un du gouvernement est d'aider tous les Canadiens, y compris les
pêcheurs de la Colombie-Britannique, à réintégrer rapidement le marché du
travail. Le gouvernement a contribué 30 millions de dollars depuis le début de
la crise des pêches afin de remédier aux problèmes touchant la gestion des
pêches et la restauration de l'habitat. Le ministère du Développement des
ressources humaines a prêté assistance à plus de 3 400 travailleurs et
travailleuses en leur fournissant divers services, comme les subventions
salariales ciblées, l'aide au travail indépendant et les projets de création
d'emploi. De plus, le ministre du Développement des ressources humaines a
prolongé la durée de huit projets de création d'emploi - les centres de South
Island Streams - qui devaient prendre fin le 31 mars 1997. Ainsi, l'un des
centres fermera le 31 octobre 1997, tandis que les autres ont mis fin à leurs
activités en juin ou en septembre 1997. On a investi plus de 2,4 millions de
dollars dans ces centres pour venir en aide à quelque 144 travailleurs, qu'ils
soient admissibles ou non aux prestations d'assurance-emploi. Le financement de
ces centres se termine, mais cela ne veut pas dire que nous nous
désintéressons des travailleurs de l'industrie de la pêche en
Colombie-Britannique. En effet, Développement des ressources humaines Canada
met toujours à leur disposition toute la gamme des programmes qui sont
actuellement offerts, sous forme de prestations d'emploi et de mesures de
soutien.
Je le signale parce que j'avais promis au sénateur Carney de lui répondre aussitôt que possible. J'ai cependant une question à lui poser à mon tour. Elle a parlé de 500 millions de dollars. J'ai demandé aux cadres du ministère ce à quoi ce chiffre pouvait correspondre. Ils ont été incapables de me dire d'où vient ce chiffre ou à quoi il peut correspondre.
w (1500)
ORDRE DU JOUR
Le discours du Trône
Motion d'adoption de l'Adresse en
réponse-
Suite du débat
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Forest, appuyée par l'honorable sénateur Mercier, tendant à l'adoption d'une Adresse à Son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'Elle a prononcé lors de l'ouverture de la première session de la trente-sixième législature. - (2e jour de la reprise du débat)
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Votre Honneur, je tiens d'abord à vous féliciter d'avoir été de nouveau choisi pour remplir les fonctions de président de séance. Vous vous êtes acquitté avec distinction de cette responsabilité au cours de votre premier mandat, tant dans cette Chambre qu'à l'extérieur de celle-ci. Même s'il nous est arrivé d'être en désaccord avec certaines de vos décisions, cela ne diminue en rien notre admiration pour ce qui est de leur originalité.
Assumer la fonction de leader du gouvernement au Sénat lors de la dernière législature aurait été une tâche extrêmement lourde pour quiconque, mais peu auraient pu relever le défi avec autant de distinction et de classe que le sénateur Fairbairn. Celle-ci a dû faire face à une opposition majoritaire, dont un grand nombre de membres, y compris votre humble serviteur, étaient encore furieux de certaines tactiques employées par l'opposition majoritaire précédente, et bien tenté de donner le change. Si nous ne l'avons pas fait, c'est en grande partie en raison de la civilité et de la courtoisie dont a fait preuve le sénateur Fairbairn dans son rôle de leader du gouvernement. Dès le début de son mandat, notre collègue s'est employée à redonner au Sénat son caractère de Chambre de réflexion chargée d'améliorer les mesures législatives au lieu de les bloquer et d'appuyer la Chambre des communes dans ses efforts pour élaborer de bonnes lois au lieu d'y faire opposition. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons fait beaucoup de progrès à cet égard et que le sénateur Fairbairn mérite toute notre gratitude pour nous avoir guidés dans la bonne voie.
Cela a procuré au sénateur Graham, que je félicite pour sa nomination au poste de leader du gouvernement, un avantage dont son prédécesseur ne jouissait pas. Je suis certain qu'il voudra en tirer parti, lui qui a secondé le sénateur Fairbairn si efficacement durant la dernière législature. J'espère seulement qu'il ne confondra pas l'intérêt national avec celui de ses anciens amis provinciaux de la Nouvelle-Écosse dont il sollicitera l'aide au début de 1998 car je sais, après avoir lu son ouvrage intitulé The Seeds of Freedom, l'importance qu'il accorde à l'aide, grande ou petite, de ses amis.
Je félicite madame le sénateur Carstairs pour sa nomination. Bien que j'aie été fortement en désaccord avec certaines opinions qu'elle a défendues durant les débats constitutionnels desannées 80, j'ai reconnu la profondeur des sentiments sur lesquels ces opinions s'appuyaient et qui lui ont valu beaucoup de respect. Ayant moi-même occupé son poste avant de passer de ce côté-ci, je me permettrai de lui donner un conseil que mon prédécesseur, le sénateur Doody, m'avait donné lorsque je suis devenu leader suppléant du gouvernement:
Ayez toujours bien à l'oeil ce qui se passe devant vous et, tout aussi important et peut-être encore plus important, surveillez ce qui se passe dans votre dos!J'en profite pour remercier mes collègues d'avoir confirmé leurs dirigeants dans les postes qu'ils occupaient pendant la dernière législature. Je leur ai dit à de nombreuses reprises que nos réussites sont le résultat d'un esprit de compréhension et de compromis collectif qui constitue la clé du succès de toute famille politique nationale, en particulier dans un pays aussi diversifié que le nôtre sur les plans culturel, linguistique et géographique. Je me sens privilégié d'occuper le poste que j'occupe actuellement et je remercie de leur engagement et de leur soutien mes collègues du caucus ainsi que le personnel et les attachés de recherche dont la contribution est trop souvent tenue pour acquise, mais sans qui nous pourrions difficilement nous acquitter de nos responsabilités.
Les sénateurs Forest et Mercier, qui ont respectivement proposé et appuyé la motion concernant une adresse en réponse au discours du Trône, ont prononcé des discours très impressionnants, surtout compte tenu du peu de matière dont ils disposaient. Ils m'ont rappelé les alchimistes d'autrefois qui procédaient à la transmutation, expression que le dictionnaire définit comme «la transformation apparemment miraculeuse d'une substance en une autre meilleure.» Leurs efforts étaient des plus louables mais voués à l'échec au départ, car on a beau séparer les scories des scories ou l'ivraie de l'ivraie, on se retrouve toujours avec des scories et de l'ivraie.
C'est la troisième fois que je prends la parole au Sénat en réponse à un discours du Trône. Si je devais m'astreindre à ne commenter que les éléments importants du discours, mon intervention ne serait pas longue. Ce discours suit le modèle des deux précédents. Il est vague, prétentieux, plein de clichés et de vaines paroles et bien peu substantiel. Il fut une époque où le discours du Trône décrivait en détail les intentions du gouvernement sur le plan législatif, pour la prochaine législature. Le gouvernement nous présente maintenant une version édulcorée du malheureux livre rouge, comportant suffisamment de truismes pour que tous puissent y trouver leur compte.
Il est difficile de trouver affirmation plus banale que:
Et surtout, il [...]
Il s'agit du gouvernement.
[...] montrera que nous pourrons accomplir beaucoup plus en demeurant ensemble qu'en rompant ces liens.Ou encore:
[...] un pays qui investit dans ses enfants aura un avenir meilleur.On y trouve aussi:
Nous devons, en tant que pays, intensifier nos efforts pour promouvoir des modes de vie sains.Ou:
[...] le gouvernement s'est engagé à répondre aussitôt que possible au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones.Pas étonnant que le Gouverneur général ait eu de la difficulté à passer au travers et qu'il ait dû plus d'une fois faire une pause et avaler avec difficulté.
Ce discours est encore plus décevant pour ce qu'il ne dit pas. Il ne propose rien sur l'agriculture ou sur la pêche, à moins qu'on se satisfasse d'un énoncé de politique laconique et définitif qui dit que le gouvernement:
[...] continuera de traiter le problème international sérieux de la surpêche...
[...] est résolu à prendre des mesures nationales pour réduire la part du Canada dans ces problèmes.On n'y dit rien des droits de la personne, sauf que le gouvernement «... travaillera directement avec d'autres pays pour mettre en valeur et promouvoir les droits de la personne, l'édification de la paix et la démocratie.» On y met tout dans le même bain. Il n'y a rien non plus sur la TPS, que le premier ministre s'était lui-même engagé à supprimer.
Il n'y a rien sur nos relations avec notre voisin et principal partenaire commercial, ainsi que les nombreuses questions en suspens avec lui. Il n'y a rien non plus sur le rapport accusateur de la commission d'enquête sur certains événements en Somalie. En fait, il n'y a rien d'important sur les grandes questions du jour.
Plus d'une fois, à dessein ou non, le discours donne crédit au gouvernement qui a précédé celui-ci et qui a préparé le terrain pour la situation économique améliorée que les Canadiens connaissent maintenant. Il fait remarquer, par exemple, qu'un emploi canadien sur trois dépend du commerce, cela de la part d'un parti qui a combattu l'ALE et l'ALENA de toutes ses forces. En 1989, les exportations représentaient 25 p. 100 du produit intérieur brut du Canada. Aujourd'hui, ce chiffre est plus près de 40 p. 100. Même si le gouvernement libéral s'accorde la gloire du succès de ce secteur de l'économie qui progresse constamment depuis une décennie, il ne peut pas nier que ce n'aurait pas été possible sans les accords de libre-échange conclus par le gouvernement progressiste-conservateur, des accords que les libéraux ont violemment condamnés, ici et à l'autre endroit. Qui oubliera jamais le langage méprisant des libéraux à l'égard du principal architecte de ces accords, l'ancien premier ministre Mulroney, un langage pour lequel ils ne se sont jamais excusés alors qu'ils célèbrent leur gloire?
Il y a toutefois un paragraphe dans le discours que je suis heureux d'approuver, et c'est celui, à la page 4, qui parle de la fonction publique:
Le gouvernement tient à reconnaître le rôle important que joue une fonction publique professionnelle et non partisane dans une société civile performante. Le Canada est bien servi par sa fonction publique, ainsi que par les efforts et le dévouement qu'elle démontre en répondant aux besoins des citoyens et en travaillant en partenariat avec les gouvernements et les autres secteurs de la société. Le gouvernement poursuivra le renouvellement de la fonction publique du Canada afin que ses membres aient les compétences et le dévouement pour continuer à bien servir les Canadiens.
Les fonctionnaires n'ont pas eu la vie facile ces dernières années. Une réduction massive des postes et un gel des salaires ont causé bien des perturbations et parfois des difficultés réelles. J'espère que le gouvernement donnera suite à ses propos et qu'il ne négligera pas sa fonction publique alors qu'il se prépare à disposer des avantages d'un budget équilibré, auquel on devrait parvenir «au plus tard lors de l'exercice 1998-1999».
Dans l'immédiat, cependant, il est essentiel de rétablir et respecter la notion de «responsabilité ministérielle», qui est importante pour le bon fonctionnement du système parlementaire. Non seulement les élus doivent-ils avoir confiance dans la fonction publique, mais cette dernière doit avoir confiance dans les élus. Trop souvent, depuis octobre 1993, certains membres du Cabinet se sont abaissés à faire porter la responsabilité d'activités discutables à des fonctionnaires de carrière et ont ainsi ébranlé la confiance si essentielle au bon fonctionnement du gouvernement.
Dans l'affaire Airbus, n'est-il pas extraordinaire qu'aucun membre du Cabinet n'ait été au courant de l'enquête de la GRC, d'une lettre envoyée par le ministère de la Justice aux autorités suisses et dans laquelle on lançait des accusations, et non des allégations, contre trois Canadiens, notamment un ancien premier ministre? On affirmait qu'ils étaient engagés dans des activités criminelles même si aucune accusation n'avait été portée. Le premier ministre, le ministre de la Justice et le solliciteur général ont prétendu n'avoir rien su de toute cette histoire. Chacun leur tour, ils ont affirmé à plusieurs reprises qu'il ne leur revenait pas d'être au courant des enquêtes de la GRC et que cette lettre avait été rédigée, signée et envoyée sans qu'aucun membre du Cabinet ne soit au courant de son contenu qui était faux et tendait à nuire aux personnes en cause. Ils prétendent n'avoir pas été mis au courant et ils blâment les employés de leurs ministères pour leur comportement répréhensible.
w (1510)
La lettre a été rédigée par la GRC, approuvée par le ministère de la Justice et livrée par l'intermédiaire du ministère des Affaires étrangères. Malgré tout cela, aucun ministre n'en connaissait l'existence. Ils ont maintes fois répété que l'ignorance est gage de quiétude pour un ministre et qu'il ne convient pas qu'un ministre soit informé d'une enquête policière, même si la police en l'occurrence est la GRC et qu'elle est tenue de faire rapport au solliciteur général, même si une lettre malveillante, méchante et diffamatoire a été adressée sur papier en-tête du ministère de la Justice et même si l'un des trois Canadiens innocents faussement accusés d'activité criminelles a déjà occupé le plus haut poste du pays.
Comment faut-il interpréter le fait que ce gouvernement, sous la direction du premier ministre qui prétend n'avoir jamais été au courant de cette enquête sans précédent de la GRC sur des allégations d'activités criminelles de la part de partisans du Parti conservateur, est le même gouvernement, dirigé par le même premier ministre, qui est maintenant parfaitement informé de l'enquête de la GRC sur les allégations de trafic d'influence de la part de partisans du Parti libéral? Poser la question, c'est y répondre, honorables sénateurs.
La responsabilité ministérielle signifie qu'il faut exiger d'être informé et donner des directives; dans les dossiers délicats, s'informer et poser les bonnes questions ne sont pas synonymes d'ingérence. On nous demande de croire que le premier ministre, deux ministres de premier plan et le personnel de leurs bureaux ne savaient rien de la lettre avant qu'elle ne soit divulguée dans un article paru dans le Financial Post du 18 novembre 1995, alors qu'il a sans doute fallu plusieurs semaines pour rédiger et faire traduire cette lettre et la faire livrer par voie diplomatique, donc avec la participation du ministère des Affaires étrangères.
Devons-nous croire que la lettre en question a été remise par une
fonctionnaire du ministère de la Justice pour être ensuite remise par un
fonctionnaire des Affaires étrangères avec la même désinvolture que s'il
s'agissait publicité importune adressée à l'«occupant» - ce que c'était en
fait.
Le fait que les ministres aient prétendu à plusieurs reprises ignorer tout de l'affaire témoigne, à l'égard de leurs responsabilités, d'une profonde désinvolture et d'un profond détachement que l'on peut seulement qualifier de manquement au devoir. En outre, en supposant qu'ils aient été au courant, cela voudrait dire qu'ils se sont faits les complices d'une campagne de détraction sans précédent, dans quel cas aucune excuse ou compensation financière ne saurait réparer la honte que toute cette sordide histoire qu'on appelle l'affaire Airbus a semée sur eux et sur les postes de confiance qu'ils occupaient à l'époque.
Le ministre de la Justice est, par définition, celui qui doit montrer l'exemple en matière d'application de la loi et de respect de la règle du droit. Sous la dernière législature, nous avons assisté au pitoyable spectacle du ministre de la Justice essayant pathétiquement de justifier une mesure législative qui visait à nier aux Canadiens innocents le droit de demander des dommages-intérêts à la suite d'une rupture de contrat unilatérale par le gouvernement dont il faisait partie. Personne n'aurait dû être surpris alors quand ce même ministre a été récemment pris à parti par un organe aussi auguste que la Cour suprême, qui l'a puni d'avoir peut-être enfreint la loi en divulgant un rapport préparé par un ancien juge en chef de l'Ontario concernant des cas de retrait de la citoyenneté à des personnes soupçonnées de crimes de guerre, des cas qui n'ont pas encore été réglés.
Le ministre de la Santé a prétendu sous la dernière législature que certain tabac à chiquer contenait des fragments de verre. Il a finalement dû retirer ce qu'il avait dit et présenter ses excuses au fabricant, en prétendant que la gaffe venait d'un employé du ministère qui l'avait mal renseigné. Je pourrais citer d'autres exemples de ministres qui ont rejeté la faute des erreurs et des embarras causés par leur ministère sur le dos des employés subalternes. Ils font tous partie de la catégorie des ministres irresponsables et, si on les laisse faire, les paroles élogieuses tenues à l'endroit de la fonction publique dans le discours que j'ai cité plus tôt n'auront plus de sens. Le moins que le premier ministre et ses collègues du Cabinet puissent faire, c'est de mettre sur leur bureau un signe sur lequel on lirait: «La responsabilité commence ici.»
Le Sénat a fait beaucoup parler de lui dans les journaux récemment, d'une manière négative, comme à l'accoutumée, que ce soit justifié ou non. Tous les reportages à son sujet se terminent habituellement par des appels répétés en vue d'une réforme, bien qu'on précise rarement de quel genre de réforme il devrait s'agir. Tout débat sérieux sur la réforme du Sénat sera futile, à moins qu'on ne se rende compte que c'est tout le régime parlementaire, et non seulement le Sénat, qui a besoin d'une réforme, d'un remaniement important. Pour parler carrément, notre régime de gouvernement, bien qu'il fasse partie d'une longue tradition, ne parvient pas, à bien des égards, à suivre l'évolution rapide de la société canadienne depuis le début de la Confédération en 1867.
On entend si souvent l'expression «le Parlement est suprême» qu'il est considéré presque un sacrilège de la contester. Le fait est que le Parlement canadien n'a jamais été suprême, puisqu'il détient depuis le début des pouvoirs limités, et sa puissance diminue constamment. À moins que des réformes majeures ne soient apportées dans la sélection de nos représentants nationaux et que la concentration extraordinaire des pouvoirs dans le cabinet du premier ministre ne soit renversée, la prétendue «suprématie du Parlement» deviendra encore moins significative.
Le premier ministre actuel - et je donne seulement cet exemple le plus récent; cela n'a rien à voir avec M. Chrétien - a été élu dans sa circonscription avec seulement un peu plus de 22 000 voix, environ 1 600 de plus que son plus proche adversaire, soit 47 p. 100 des suffrages. Le Parti libéral qu'il dirige a remporté 51 pour 100 des sièges, avec 38 p. 100 du vote populaire. Avec 49 p. 100 du vote populaire en Ontario, les libéraux ont remporté 98 p. 100 des sièges dans cette province.
On trouve des écarts analogues après chaque élection, mais ils se produisent aujourd'hui au moment où les Canadiens veulent participer plus directement dans leur gouvernement, ce que le régime actuel ne permet pas. Cependant, même si la représentation à la Chambre des communes reflétait plus fidèlement la volonté populaire, cela seul ne serait pas suffisant, à moins de modifier le mode de sélection du chef de gouvernement. Ce Cabinet est non seulement le plus important du pays, il a également amassé des pouvoirs qui, s'ils ne sont pas surveillés, ne feront que continuer de réduire l'autorité de la Chambre élue.
Récemment, il y a eu beaucoup de commentaires réfléchis sur ce malheureux état de choses, et je n'ai pas besoin aujourd'hui de décrire en détail comment on en est arrivé là. La Chambre des communes elle-même est en partie responsable puisque c'est elle qui adopte des lois dont l'application dépend trop souvent de règlements qui sont rédigés par des personnes non élues, approuvées par le Cabinet, et qui ne reflètent pas toujours l'intention du législateur ou sa compréhension du sujet. Les ministres sont eux aussi responsables puisqu'ils acceptent que leurs plus hauts fonctionnaires, les sous-ministres, soient nommés directement par le premier ministre, dont ils dépendent directement par l'intermédiaire du greffier du Conseil privé qui est lui aussi nommé par le premier ministre. Par conséquent, il n'est que naturel qu'ils fassent preuve d'une plus grande loyauté envers celui qui les a nommés et dont leur carrière dépend qu'envers le ministre auprès duquel ils sont détachés.
La Constitution ne fait nullement mention des responsabilités du premier ministre. L'expression n'y figure tout simplement pas. Cette fonction a évolué au fil des ans, à tel point qu'aujourd'hui cette charge semble à elle seule avoir plus de pouvoir que le Parlement tout entier. N'est-il pas ironique que le Canada, qui est considéré comme une démocratie modèle, ait en fait permis que les pouvoirs soient centralisés entre les mains d'une personne élue par seulement quelques milliers d'individus?
Lorsque nous observons ce qui se passe sous le régime gouvernemental américain, il arrive souvent que nous soyons témoins d'âpres luttes entre la Maison-Blanche et le Congrès et nous nous félicitons béatement de vivre sous un régime qui ne
permet pas ce genre de choses. Ce que nous avons tendance à oublier, toutefois, c'est que le régime américain repose sur le principe de la séparation de pouvoirs et sur un système de freins et de contrepoids. L'exécutif, le législatif et le judiciaire ont chacun des responsabilités précises qui, inévitablement, se chevauchent, mais chacun protège jalousement ses prérogatives contre toute menace d'empiétement de la part de l'un des deux autres ou des deux à la fois.
Au Canada, où un tel partage des pouvoirs est inconnu, on va dans le sens contraire, une bonne part des attributions du Parlement passant aux mains des collaborateurs du premier ministre, alors qu'on laisse aux tribunaux le soin d'interpréter les lois de quelque importance.
La Chambre des communes, par sa conduite même, voit ses pouvoirs aller à vau-l'eau. Hier, par exemple, une fois la période des questions terminée - qui, loin d'être l'occasion de se renseigner, se transforme en véritable cirque télévisuel - on a pu assister à un exode massif. Entre 15 h 30 et 15 h 45, le nombre des ministériels présents dans la salle variait de quatre à huit dont aucun membre du Cabinet ou secrétaire parlementaire, alors même qu'une mesure législative d'initiative gouvernementale était à l'étude. Cette situation n'est pas rare et en dit long sur la valeur que l'autre Chambre accorde aux projets de loi dont elle est saisie ou aux débats sur ces projets de loi.
L'année dernière, en Israël, le premier ministre a été élu pour la première fois par l'ensemble de la population parce que l'on estimait que ce poste était à ce point important que son titulaire devait obtenir au moins 40 p. 100 des suffrages, et non simplement la pluralité des votes exprimés dans une circonscription. Leurs intérêts seraient mieux servis, j'en suis convaincu, si les Canadiens pouvaient tous prendre part à l'élection de leur premier ministre en sachant très bien quelles sont les attributions et les limites du poste en question.
Certes, la réforme du Sénat n'a que trop tardé, mais elle ne donnerait pas grand-chose si tout le système gouvernemental ne procédait pas à sa propre réforme. Je suis persuadé que le gouvernement obtiendrait un appui unanime s'il parrainait une étude exhaustive et objective sur cette question, car le maintien du statu quo ne fera qu'accroître les frustrations et les désillusions inquiétantes que de nombreux Canadiens nourrissent à l'égard de leurs représentants élus et nommés.
w (1520)
Enfin, honorables sénateurs, on m'a souvent demandé dernièrement comment la nouvelle opposition au Sénat se conduirait maintenant que ses membres ne sont plus «majoritaires». J'ai répondu que les sénateurs de l'opposition se comporteraient comme lorsqu'ils étaient «majoritaires». Au cours de la dernière législature, les sénateurs ont été appelés à se prononcer sur plus de 100 messages et initiatives ministérielles. L'opposition a étudié chacun d'eux attentivement, a proposé des amendements à bon nombre d'entre eux, parfois avec succès, comme dans le cas des juges qui acceptent des nominations auprès d'organismes internationaux ou de la garde des enfants, parfois sans succès, comme dans le cas des mesures législatives sur le contrôle des armes à feu et sur la publicité concernant le tabac.
Que nos efforts aient été couronnés de succès ou non, notre objectif a toujours été le même: nous avons toujours voulu souligner ce que nous considérions comme des lacunes et proposer des façons de les corriger, par le biais d'amendements. Nous reconnaissons toujours que les projets de loi dont le Sénat est saisi viennent de représentants élus; peu importe la position que nous défendions, nous n'avons jamais oublié cela.
Nous ne nous sommes délibérément opposés à la volonté de l'autre endroit qu'à deux occasions seulement. Le projet de loi sur l'aéroport Pearson et celui sur le remaniement de la carte électorale allaient tous les deux à l'encontre de la Constitution et de l'intérêt public. Le premier ne reconnaissait pas la primauté du droit; le deuxième ne tenait pas compte de l'obligation de procéder à un remaniement de la carte électorale immédiatement après la publication des données du dernier recensement décennal.
Je tiens à souligner que, dans les deux cas, nous étions assez «nombreux» pour rejeter ces projets de loi au moment de leur présentation, mais que nous avons volontairement refusé de le faire, par respect pour la Chambre des élus. Nous espérions que le gouvernement tiendrait compte des preuves accablantes en faveur d'amendements importants, mais il les a rejetés, davantage préoccupé par les avantages sectaires que les deux projets de loi allaient apporter que par les préjudices graves qu'ils allaient causer au processus politique lui-même. Finalement, les deux projets de loi ont été rejetés dans cette Chambre. Autrement, le Sénat aurait été partie à un déni de droits fondamentaux, ce qui aurait été fatal au peu de légitimité que lui accordent encore les Canadiens. En fait, ce faisant, le Sénat a fait preuve d'un sens des responsabilités qui n'est pas passé inaperçu.
Honorables sénateurs, en tant que parti de l'opposition, notre approche n'a pas changé depuis que nous avons traversé de ce côté-ci au début de 1994. Quel que soit notre nombre, nous allons maintenir l'orientation imprimée par le sénateur Fairbairn à ce moment-là, et je compte que nous le ferons tous.
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais commencer par féliciter le motionnaire et le comotionnaire, les sénateurs Forest et Mercier, pour l'excellence de leurs discours, de leurs observations et de leurs contributions d'une grande portée au Sénat, quand ils ont proposé et appuyé l'Adresse en réponse au discours du Trône.
[Français]
Honorables sénateurs, nous sommes reconnaissants à Son Excellence le Gouverneur général du Canada de son aimable présence dans cette Chambre, qui se rappelle sa contribution formidable à la vie publique du Canada.
J'ai déjà félicité Son Honneur le Président, qui conserve les responsabilités considérables de la présidence du Sénat.
[Traduction]
Je ne puis que souscrire aux sentiments exprimés par le sénateur
Lynch-Staunton au sujet de la contribution que le sénateur Fairbairn a
apportée au Sénat. Je lui ai déjà exprimé ma profonde gratitude en public
et en privé pour son leadership au Sénat depuis 1993. En outre, j'approuve
sans réserve la nomination de ma nouvelle voisine, le sénateur Carstairs, au
poste de leader adjoint du gouvernement. De plus, le retour du sénateur Hébert
au poste de whip du gouvernement a été accueilli, de ce côté-ci du moins,
par des applaudissements, voire presque des alléluias.
Par ailleurs, mardi dernier, j'ai exprimé le plaisir personnel que me donnait le leadership formidable, parfois coloré, à l'occasion entêté, mais toujours consciencieux, des gens d'en face assumé par les sénateurs Lynch-Staunton, Kinsella et DeWare.
Honorables sénateurs, l'été dernier, j'ai pris la parole au Cap-Breton, à l'occasion de l'un des nombreux événements qui marquaient, dans le Canada atlantique, le 500e anniversaire de la venue de Giovanni Caboto et de l'équipage de son petit navire, le Mathew. Le sénateur Murray était présent. C'est une histoire fantastique.
Le sénateur Buchanan: J'étais là moi aussi.
Le sénateur Graham: Le sénateur Buchanan était là aussi. Je suis désolé, j'ai manqué ce dernier. Je m'attends à ce que l'on demande si oui ou non j'ai chanté lors de cet événement. Je n'ai pas chanté dans l'après-midi, mais je l'ai certainement fait au coucher du soleil.
L'histoire du Mathew est une histoire de courage devant la peur et la difficulté, de confiance et d'imagination, de poursuite du soleil sur les sombres océans. Ceux d'entre nous qui assistaient aux cérémonies célébraient l'esprit des découvreurs et des explorateurs de nouveaux mondes, de bâtisseurs de nouveaux pays, des aventuriers qui se risquent hors des ports et voguent vers un nouveau millénaire. En un sens, nous rendions hommage à l'esprit indomptable de l'être humain.
Lors de cette cérémonie, j'ai dit que les Canadiens étaient aussi les membres d'équipage d'un fier et héroïque vaisseau, image qui symbolise un État dont le drapeau est respecté et aimé partout dans le monde. Nous avons écrit l'un des meilleurs livres d'histoire, d'un livre qui raconte l'histoire d'un peuple provenant de différentes origines et de nombreux pays, d'un peuple qui a lutté pour la vérité et la justice, pour la tolérance, la compassion et le respect des droits humains.
Nos ancêtres cherchaient la paix, la prospérité et, avant tout, la liberté. C'est avec une intention bien arrêtée et avec une grande détermination qu'ils ont créé quelque chose de nouveau. Ils ont bâti une fédération multiculturelle, qui est représentée ici même, la plus magnifique fédération multiculturelle du monde qui, de bien des façons, est un microcosme de la planète, une vision et un rêve, un pays qui est un symbole d'espoir pour des millions de gens aux quatre coins du monde. Ce qu'ils ne voulaient pas bâtir, c'est un pays qui risquerait de prendre la forme de ce qu'on appelle parfois aujourd'hui un vaste jeu à somme nulle, un pays où les habitants des régions et des provinces diraient que la collaboration est impossible parce que chaque gain pour une région voudrait dire une perte égale pour une autre région. Ils n'ont pas créé un vaste jeu à somme nulle d'un océan à l'autre; ils ont bâti une collectivité très spéciale fondée sur la collaboration et le compromis, valeurs qui cimentent notre fédération, un endroit spécial où la liberté n'est pas un cadeau, mais bien une responsabilité, où chacun est traité également, mais pas nécessairement de la même façon.
Comme le sénateur Mercier l'expliquait la semaine dernière, et je cite:
Notre force repose sur notre respect mutuel et notre tolérance.
L'aisance avec laquelle nous réussissons à évoluer sur la scène internationale est le résultat naturel de la générosité et du respect pour la diversité que nous exerçons ici, chez nous. Et cette conscience nationale est issue en droite ligne des assises sur lesquelles repose le Canada.
Bien dit, sénateur Mercier.
Honorables sénateurs, durant cette nouvelle législature, nous devons nous unir dans un esprit d'honnêteté intellectuelle et dans notre engagement à l'égard d'un meilleur pays, d'un meilleur monde. Robert Kennedy a cité Shaw dans l'allocution qu'il a prononcée au Parlement irlandais en 1963.
Vous voyez des choses et vous dites: «Pourquoi?» Mais je rêve de choses qui n'ont jamais existé et je dis: «Pourquoi pas?»
[Français]
Rappelons-nous, comme parlementaires, notre vision et notre capacité de rêver. C'est ainsi que le changement arrivera, que nous ferons du Canada un endroit encore meilleur.
[Traduction]
En étudiant l'Adresse en réponse au discours du Trône, c'est dans cet esprit que nous devons réfléchir aux graves responsabilités que nous avons à assumer en tant que parlementaires. D'abord et avant tout, ces responsabilités sont à l'endroit d'un Canada uni et de la société humaine et libre qui donne à ce pays son caractère spécial - la société humaine et libre à laquelle veulent se joindre les milliers de gens qui se présentent dans les bureaux de l'immigration partout dans le monde.
w (1530)
Le discours du Trône a brossé le tableau d'un défi et d'un renouveau, d'une confiance et d'une force croissantes. La croissance de notre économie est l'une des plus rapides parmi les pays industrialisés. Nos exportations sont en hausse. Nos taux d'intérêt sont au plus bas depuis 35 ans. La création d'emplois s'accélère. Nous avons repris le contrôle de notre souveraineté financière. Nous avons réduit le déficit. Nous sommes en train d'équilibrer le budget. Nous avons mis le ratio de la dette par rapport au PIB sur la pente descendante. Nous avons rétabli la confiance des entreprises et des consommateurs. Nous avons mis en place les conditions économiques qui favorisent une saine création d'emplois dans le secteur privé.
Dans ce remarquable retournement de la situation, le gouvernement Chrétien a fait preuve de leadership et de détermination. Nous avons fait naître la confiance nécessaire pour livrer concurrence. Nous rétablissons une économie prometteuse au Canada. Nous remettons en place une économie de confiance. Dans nos milieux de travail et dans nos usines, nous faisons place à cette nouvelle économie et nous traçons de nouveaux itinéraires quotidiennement.
Aujourd'hui, l'esprit qui sous-tend l'innovation et l'aventure se manifeste sur tous les marchés mondiaux. Nous perçons sur ces marchés, même s'ils semblent difficiles et impénétrables.
Nous utilisons nos compétences pour produire notre propre technologie. Dans ma province de Nouvelle-Écosse, honorables sénateurs, notre industrie océanographique de haute technologie s'attaque à de nouveaux marchés et à un territoire économique qui se situent à l'autre bout du monde. Partout au Canada, nous manifestons une grande solidité dans l'exportation de produits manufacturés à valeur ajoutée, et tout cela se traduit chez nous par des emplois fondés sur le savoir. Toutefois, l'explosion de nos exportations n'est pas seulement attribuable aux formidables talents des Canadiens.
[Français]
Honorables sénateurs, nous avons un avantage sur nos compétiteurs. Nous avons la chance formidable d'utiliser sur nos produits, le logo le plus respecté dans la communauté internationale: la feuille d'érable, le symbole d'un pays magnifique.
[Traduction]
Je le répète, en rétablissant la souveraineté budgétaire de notre pays, en mettant en branle un redressement budgétaire permanent, le gouvernement a restauré la confiance pour soutenir la concurrence. Nous l'avons fait sans abandonner les valeurs que partagent les Canadiens, les valeurs d'un pays à visage humain. Nous l'avons fait sans abandonner l'autoroute des valeurs qui unit les Canadiens d'un océan à l'autre.
[Français]
Honorables sénateurs, nous savons que le Canada sera uni aussi longtemps que le rêve national puisera dans nos valeurs fondamentales.
[Traduction]
C'est pourquoi, au cours de ce mandat, nous assurerons à nos aînés la sécurité pour l'avenir. Nous présentons une mesure législative visant à soutenir le Régime de pensions du Canada et les prestations aux aînés, ce qui fera du Canada le premier pays du G-7 à rendre son régime public de pensions abordable et durable. En rajustant dès maintenant les cotisations, le gouvernement agit de façon à éviter le problème même que plusieurs des critiques du régime considèrent comme sa faiblesse: lever des fonds auprès des membres plus jeunes de notre société pour financer la retraite des aînés d'aujourd'hui.
C'est pourquoi le gouvernement va renouveler le système de santé. Nous devons nous rappeler que le combat pour l'assurance-maladie mené il y a trois décennies - et je m'en souviens très bien - a été en partie un combat pour notre citoyenneté. Il a été et est encore un combat pour notre identité de Canadiens. Ce programme faisait partie de l'infrastructure d'une culture politique de respect des gens, une culture politique qui donne la préséance aux gens.
Le gouvernement continuera de donner la préséance aux gens. Nous présenterons un projet de loi visant à accroître les paiements de transfert au titre de la santé aux provinces. D'ici l'an 2000, les provinces recevront 1,4 milliard de dollars de plus que ce qui est actuellement prévu au budget. Nous nous sommes engagés à travailler en partenariat avec nos partenaires provinciaux pour répondre aux besoins croissants de soins à domicile et de services de santé communautaires. Nous allons mettre sur pied un système d'information sur la santé et augmenter les fonds destinés aux programmes d'action communautaires pour les enfants de même qu'aux programmes de nutrition prénatale.
Nous allons tâcher de répondre à des besoins pressants de santé dans les collectivités autochtones. Nous allons étendre l'Initiative canadienne de lutte contre le cancer du sein, renouveler la Stratégie nationale de lutte contre le sida et doubler les ressources affectées à la Stratégie de prévention du tabagisme. C'est sur ces points importants et fondamentaux que nous revitaliserons et renouvellerons notre système de santé. Nous donnerons la préséance aux gens.
[Français]
Il y a 25 ans, nous avons fait obstacle à la maladie et à la pauvreté chez les personnes âgées. Aujourd'hui, nous devons agir pour la nouvelle génération, celle qui héritera du Canada, nos enfants et nos petits-enfants.
[Traduction]
Nous ne devons jamais oublier que nous sommes les gardiens de nos enfants. Les Haida du Canada, dans les îles de la Reine-Charlotte, en Colombie-Britannique, ont une belle description de ce rôle de gardien. Ils disent que nous n'héritons pas de cette terre de nos ancêtres mais que nous l'empruntons à nos enfants. Nos enfants naissent avec des droits, le droit d'être logés, de recevoir de bons soins, d'être nourris et protégés. Ils naissent avec le droit à l'espoir.
[Français]
Ils ont le droit de rêver, le droit de grandir dans l'égalité.
[Traduction]
Au cours de la législature qui débute, le gouvernement augmentera la prestation fiscale pour enfants versée aux familles à faible revenu et collaborera avec les provinces pour investir dans les services aux enfants. Nous établirons des centres d'excellence et donnerons plus d'ampleur à notre programme Bon départ pour les autochtones. Nous agirons de concert avec les provinces pour lutter contre le fléau du chômage chez les jeunes, qui demeure beaucoup trop élevé. Nous poursuivrons nos programmes de stages, dont le taux de succès est de 78 p. 100. Dans le cadre de notre nouvelle stratégie d'emploi pour les jeunes énoncée en février dernier, programme qui regroupe2 milliards de dollars en financement pour des programmes et services d'emploi destinés aux jeunes, le gouvernement établira des partenariats avec le secteur privé, avec les organisations sans but lucratif et des groupes communautaires afin d'ouvrir de nouveaux débouchés durables aux jeunes.
Par de nouvelles modifications au Programme canadien de prêts aux étudiants
et des mesures comme des bourses à l'intention des Canadiens à revenus faibles
ou moyens consenties par le Fonds de dotation du millénaire, nous nous
attaquerons au problème du coût de plus en plus élevé des études
supérieures et de l'endettement des étudiants.
Comme le premier ministre l'a expliqué en annonçant la création du fonds, il ne peut y avoir de plus grand projet pour le millénaire au Canada ni de meilleur rôle pour le gouvernement que d'aider des jeunes Canadiens à se préparer pour la société du siècle prochain, qui exigera un bon bagage de connaissances.
Dans son intervention, le sénateur Forest a dit des mesures prises par le gouvernement pour faciliter les études aux jeunes qu'elles leur «donnent un passeport qui leur permettra de franchir le pas du XXIe siècle avec assurance».
w (1540)
Grâce à de telles mesures, honorables sénateurs, le gouvernement du Canada continuera de veiller au développement et à l'épanouissement de notre communauté toute spéciale - une grande nation pleine de compassion. Toutefois, dans lesannées 90, à l'aube du nouveau millénaire, le leadership n'est plus uniquement la prérogative du gouvernement. Le leadership est notre affaire à tous. Les exemples que nous fournit le milieu des affaires sont tout aussi importants que ceux que nous donne le gouvernement.
Le mois dernier, lorsque M. Courtney Pratt, président de la société Noranda Inc., a donné un exposé sur les responsabilités sociales des entreprises canadiennes, il a fait plus qu'un simple constat. Il nous a rappelé que, à l'instar du passé de notre pays, l'avenir du Canada repose sur la façon dont nous réagirons aux besoins des divers segments de notre société. Il faut reconnaître que nous ne vivons pas isolément les uns des autres.
Comme l'a expliqué M. Pratt:
Nous devrions encourager, appuyer et favoriser les partenariats avec des organisations qui ont besoin de notre aide, qu'il s'agisse d'écoles ou d'organismes de services sociaux. Le fait de partager un engagement commun et d'unir nos efforts à ceux d'une autre organisation afin d'atteindre un important objectif de société comporte des avantages remarquables, et ce, pour tous les partenaires qui ont collaboré.
[Français]
Que les Canadiens, où qu'ils soient, n'oublient pas le pouvoir de la coopération. Grâce à elle, nous avons bâti ce beau pays, traversé cette période difficile et nous faisons maintenant l'envie du monde entier.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous affrontons les défis et les craintes, les incertitudes et l'euphorie de la décennie de la mondialisation, où la réussite des entreprises, des gens et des régions dépend de la mesure dans laquelle les activités locales sont conformes aux normes d'excellence mondiales. Nous savons maintenant que notre ressource la plus puissante est notre capital social, la capacité de résoudre les problèmes qui découlent de l'expérience partagée. Cette expérience partagée aboutit à l'infrastructure d'une économie de confiance.
Dans ma région, les gens comprennent la valeur de la coopération dans les périodes d'abondance comme dans les temps difficiles. Quelles que soient les insécurités endémiques de notre économie, nous avons toujours su tirer notre force de l'humanité instinctive de nos gens. On la trouve dans nos communautés, où nous tirons parti de traditions fondées sur un idéalisme pratique, où nous ouvrons des voies nouvelles fondées sur des valeurs anciennes et où les programmes populaires permettent à mille fleurs de s'épanouir. Cette humanité instinctive est présente dans nos communautés où nous trouverons le chemin qui conduit vers l'économie mondiale. Elle est présente dans nos communautés où, comme l'a déjà dit le père Jimmy Thompkins, de Cap-Breton: «En définitive, lorsque les gens ordinaires s'unissent, ils deviennent un géant».
Le développement communautaire doit être une entreprise commune. Des organismes comme l'APECA soutiennent maintenant des projets de développement commerciaux sur des campus universitaires à la grandeur du Canada atlantique. Ces organismes ont pour mandat de fournir des services de consultation à prix modique aux petites entreprises, qui sont l'épine dorsale de l'économie canadienne.
Honorables sénateurs, j'ai participé, samedi dernier, au lancement d'un service de ce genre à l'UniversitéSt. Francis Xavier, juste avant le match de football opposantSt. Francis Xavier à Mount Allison. Le résultat final:St. Francis Xavier 9, Mount Allison 4.
Ces projets visent à faire participer les jeunes à l'entrepreneuriat dans leurs communautés. Les centres d'affaires universitaires ont été créés pour renforcer ces communautés à mesure que de nouvelles sociétés s'y établissent et créent de nouveaux produits et services.
Honorables sénateurs, le Canada est bien placé pour jouer un rôle de leader mondial dans l'économie mondiale du savoir au cours du prochain siècle. Le gouvernement s'est engagé à faire davantage pour soutenir l'innovation et attirer davantage d'investissements étrangers dans les industries du savoir au Canada. Le gouvernement a indiqué clairement dans le discours du Trône son intention de redoubler ses efforts pour permettre aux communautés rurales et à toutes les régions du Canada d'avoir leur part des bienfaits économiques de l'économie du savoir. Les avantages doivent être partagés. Les règles du jeu doivent être les mêmes pour tous. Les chances doivent être égales pour tous quel que soit l'endroit où l'on habite au Canada.
Le gouvernement peut et va créer le cadre économique et industriel nécessaire pour instiller la confiance face à la concurrence, mais les ressources du gouvernement ne sont pas inépuisables. Les nouveaux intervenants dans la formation de notre capital humain doivent se présenter de façon instinctive et intuitive de sorte qu'ensemble, nous puissions avancer.
Comme commencent à le montrer nos programmes de stage - la formation en cours d'emploi avec la participation des gouvernements, du système éducatif et des employeurs est essentielle pour veiller à ce que l'économie passe à des formes de production à valeur ajoutée. Il y a un vieux proverbe chinois qui dit: «Dis-moi, j'oublie. Montre-moi, je me souviens. Fais-moi participer. Laisse-moi faire. Je comprends.»
La participation est la clé de la compréhension réelle et c'est de cette façon, au moyen de la participation pratique de nos ressources humaines que le réel partenariat entre l'industrie, le système éducatif et le gouvernement au niveau local nous rendront maîtres chez nous.
Honorables sénateurs, cette nouvelle législature marque l'aube d'un nouveau millénaire. Nous sommes rassemblés dans cette Chambre historique, dans ce lieu de travail, dans cet atelier du gouvernement, pour façonner les bases d'une société juste et, comme je l'ai dit auparavant, rédiger un nouveau contrat d'espoir pour les Canadiens.
Cette Chambre a une occasion unique de prouver aux Canadiens que nous jouons un rôle important et que nous assumerons nos responsabilités de notre mieux, avec beaucoup de soin, d'attention et de dévouement.
[Français]
Cette Chambre réunit des personnes riches de talents et de détermination.
[Traduction]
Il arrivera souvent, à bien des propos, que nous ne soyons pas d'accord mais, en dernière analyse, je sais que tous mes collègues de ce côté-ci du parquet, ainsi que mes collègues d'en face, vont travailler ensemble à améliorer le sort de tous les Canadiens.
Fidèle à l'ancienne pratique, le Sénat a déjà présenté un projet de loi, en cette législature, et c'est une bonne chose. Comme toujours, nous continuerons à utiliser nos connaissances à bon escient sur des points particuliers de la politique gouvernementale, en quête de ce qui est bon. Nous resterons à la fine pointe des enjeux qui influent continuellement sur la vie et la liberté des Canadiens. Par le passé, nous avons mené des études sur la pauvreté des enfants, la concentration des médias et l'érosion des sols. Je rappelle aux honorables sénateurs que ce rapport de 1984 sur l'érosion des sols, qui avait gagné un prix, nous est encore demandé par des intéressés de partout au Canada et dans le monde. Nous resterons à la fine pointe des études en sciences et en technologie ainsi que des changements révolutionnaires en télécommunications. Nous nous tiendrons au courant de la politique étrangère et du libre-échange, des études postsecondaires et de l'avenir de l'industrie du poisson de fond de l'Atlantique. Nous resterons à la fine pointe pour toute la durée de l'examen intensif des services financiers, qui est en cours. Sur toutes ces questions, le Sénat agira comme gardien et protecteur du bien-être des citoyens de notre beau grand pays.
Honorables sénateurs, cet après-midi, j'ai commencé mon intervention avec une réflexion sur l'héritage que nous a laissé John Cabot et son solide petit navire, le Mathew. Cet été, quand nous avons célébré les fêtes intitulées Cabot 500, dans mon coin de pays, nous nous sommes souvenus que, en 1497, une nouvelle ère se préparait. Aujourd'hui, les Canadiens sont au seuil d'un nouveau millénaire. Capturons ce moment, rappelons-nous nos points forts et l'esprit indomptable de nos ancêtres pour qui il n'y avait pas de montagnes ou de rivières trop difficiles à traverser. Chérissons leur souvenir et puisons-y de nouvelles forces.
w (1550)
Ensemble, nous devons concevoir l'architecture d'un monde nouveau dans un esprit de tolérance et de partenariat, dans l'union des coeurs et des esprits; l'union des Québécois, des Néo-Écossais et des Britanno-Colombiens, l'union des peuples autochtones, des peuples des Prairies et du bouclier laurentien, des habitants des ports de pêche et des régions minières, des peuples du grand nord, mais par dessus tout, ne perdons pas de vue la vision, le rêve qui nous anime.
[Français]
Nous devons ensemble, comme Canadiens, accepter l'aventure, ne pas oublier que nous avons des promesses à tenir.
[Traduction]
Nous avons des promesses à tenir envers les nouvelles générations, le millénaire nouveau, un monde nouveau. Nous devons nous souvenir de l'héritage de John Cabot, du cadeau qu'il nous a fait. Ce cadeau, qui est célébré de Bonavista, à Terre-Neuve, jusqu'aux magnifiques îles de mon cher Cap-Breton, est le premier chapitre de l'histoire du Canada, une histoire qui nous appartient, à vous et à moi, une histoire qui a toujours été et qui sera toujours la nôtre, ensemble.
Des voix: Bravo!
L'honorable Marcel Prud'homme: Le ministre me permettrait-il une question?
Le sénateur Graham: Bien sûr.
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je sais que l'honorable leader du gouvernement au Sénat a travaillé très fort à son discours depuis que le Sénat s'est ajourné, jeudi dernier.
Il a parlé avec fierté de nos institutions, spécialement du drapeau canadien. Comme il le sait, en 1964, j'ai fait campagne en faveur du drapeau et, avec les sénateurs Haidasz et Whelan, je suis l'un des rares sénateurs qui aient voté avec fierté pour le drapeau.
Toutefois, dans la liste de toutes les merveilleuses choses dont le leader du gouvernement pense que nous devrions être fiers, je pense qu'il a omis le passeport canadien. Convient-il qu'il devrait figurer dans la liste des choses dont nous sommes fiers?
Le sénateur Graham: Si c'était à refaire, j'inclurais certainement le passeport canadien.
(Sur la motion du sénateur Poulin, le débat est ajourné.)
[Français]
Le Québec
Les conseils scolaires
linguistiques-La modification
de l'article 93 de la Constitution-La constitution
d'un comité mixte spécial-Ajournement du débat
L'honorable Jacques Hébert, au nom du sénateur Graham, conformément à
l'avis de motion du mardi 2 octobre 1997, propose:
Que le Sénat se joigne à la Chambre des communes pour constituer un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes chargé de se pencher sur les différents aspects du projet de résolution concernant la modification que l'on propose d'apporter à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 à l'égard du système scolaire au Québec;
Que sept sénateurs et seize députés fassent partie du comité;
Qu'il soit enjoint au comité de se livrer à des consultations aussi nombreuses et à un examen aussi approfondi des différents aspects de la question qu'il le jugera opportun;
Que le comité soit habilité à siéger durant les travaux et après l'ajournement du Sénat;
Que le comité soit habilité à soumettre des rapports périodiques, à demander à rencontrer certaines personnes ou à voir certains documents ainsi qu'à reproduire tous les documents ou autres éléments de preuve qui lui sembleront utiles;
Que le comité soit habilité à engager des experts ainsi que du personnel professionnel, technique et de bureau;
Que le quorum soit de douze membres chaque fois que l'on passe une question aux voix, que l'on adopte une résolution ou que l'on veut prendre quelque autre décision, dans la mesure où les deux Chambres sont représentées, et que les coprésidents soient habilités à convoquer une réunion, à recevoir des éléments de preuve et à en autoriser l'impression dans la mesure où six membres sont présents et que les deux Chambres sont représentées;
Que le comité soit habilité à désigner certains de ses membres pour constituer autant de sous-comités qu'il le jugera utile, et à déléguer auxdits sous-comités la totalité ou une partie de ses pouvoirs, à l'exception de celui de faire rapport au Sénat et à la Chambre des communes;
Que le comité soit habilité à autoriser la télédiffusion ou la radiodiffusion d'une partie ou de la totalité de ses délibérations;
Que le comité soumette son rapport final d'ici le 7 novembre 1997;
Que, nonobstant les pratiques courantes, si le Sénat ou la Chambre des communes ne siège pas le jour ou le comité déposera son rapport, celui-ci soit remis au greffier de la Chambre qui ne siège pas, ou au greffier de l'une et l'autre Chambres si aucune des deux ne siège à cette date, le rapport devant dès lors être considéré comme ayant été déposé devant l'une ou l'autre Chambre, ou les deux, selon le cas; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'informer de ce qui précède.
L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, comme on propose l'adoption de la motion, je voudrais demander au sénateur Hébert s'il trouve réaliste que nous puissions soumettre un rapport final le 7 novembre. Cette disposition fait partie intégrante de la motion. Je ne sais pas si on l'a adoptée ou si on est sur le point de le faire. Ma seule objection est que l'on adopte une motion qui n'est pas réaliste, le reste va bien. Est-ce que l'on pourra différer la datedu 7 novembre s'il y a lieu?
Le sénateur Hébert: Peut-être que mon discours répondra en partie aux questions du sénateur.
Honorables sénateurs, contrairement à ce que l'on prétend en certains milieux, la Constitution du Canada est souple et elle sait évoluer pour répondre aux besoins nouveaux des provinces. La plus récente preuve en est la motion déposée à la Chambre des communes par le ministre des Affaires intergouvernementales,le 1er octobre dernier concernant la modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Comme l'a indiqué le ministre dans son discours, cette initiative fait suite à une demande adressée par le Québec dans le but de mettre fin à l'application dans cette province des paragraphes 1 à 4 de l'article 93. Cette résolution de modification constitutionnelle fut adoptée unanimement par les députés de la législature du Québec.
En avril dernier, le ministre des Affaires intergouvernementales déposait une motion à cet égard à la Chambre des communes, mais le déclenchement des élections générales avait empêché le Parlement de procéder à la formation d'un comité mixte chargé d'étudier cette importante modification constitutionnelle.
Notre gouvernement ayant été réélu le 2 juin dernier, le deuxième dépôt de cette motion nous permet donc de reprendre le débat. La modification constitutionnelle proposée vise à réorganiser les structures scolaires du Québec sur une base linguistique plutôt que confessionnelle, changement qui fait l'objet d'un large consensus dans cette province. Anglophones comme francophones ont réclamé cette modification qui tient compte de l'évolution de la société québécoise et de la laïcisation qui l'a marquée depuis une trentaine d'années.
Cependant, l'établissement d'un tel consensus, aussi encourageant soit-il, ne cache pas la nécessité de procéder à des consultations et d'examiner en profondeur les différents aspects de la question. En fait, cette exigence respecte en tous points notre procédure parlementaire et cela s'impose particulièrement dans le cas d'un changement constitutionnel.
Ce n'est pas tous les jours que le Parlement canadien procède à une modification de la Constitution. Une loi peut être modifiée plusieurs fois mais une Constitution l'est rarement.
Une modification constitutionnelle est un geste important puisqu'elle exerce une influence durable sur la vie des citoyens en déterminant le cadre juridique à l'intérieur duquel évolue une société. C'est un geste solennel et profondément significatif.
w (1600)
Adapter la Constitution à notre évolution collective, nous l'avons vu tout le long de notre histoire, n'est pas toujours un processus aisé. La Constitution est un reflet de nos valeurs, et ce sont ces valeurs que l'on interpelle lorsque l'on procède à une modification constitutionnelle, comme nous le faisons pour les structures scolaires du Québec. Un consensus a été établi à ce sujet. Cependant, des citoyens et des groupes du Québec éprouvent une certaine inquiétude à l'égard du changement proposé.
Pour l'instant, je ne veux pas me prononcer sur le fondement de ces craintes, mais simplement reconnaître leur existence. Dans ces conditions, n'avons-nous pas le devoir, comme parlementaires, d'informer les dissidents de la portée de la modification proposée et de tenter de les convaincre de son bien-fondé? Il est impérieux que les parlementaires, qui ont le devoir de modifier la Constitution, prêtent une oreille attentive à toutes les opinions, et c'est pourquoi il est proposé que la Chambre des communes et le Sénat forment un comité mixte spécial qui étudiera cette question.
Une telle initiative correspond en tous points à nos valeurs démocratiques, valeurs qui donnent à notre pays une réputation des plus enviables à travers le monde. Depuis toujours, les Québécois les partagent et en sont imprégnés.
Même le Bloc québécois ne s'y oppose pas. Les leaders du Québec aimeraient que cette modification entre en vigueur le plus tôt possible. Nous agirons donc avec célérité tout en respectant la procédure parlementaire habituelle.
À nos yeux, le consensus, aussi nécessaire soit-il dans l'application de la démocratie, n'est pas synonyme d'unanimité. Et s'il nous est sans doute impossible de convaincre tous les intervenants de la justesse de leur proposition, nous devons les écouter.
[Traduction]
Ce comité donnera à ceux qui s'opposent à la modification proposée, et à ceux qui l'appuient, l'occasion de s'exprimer et de nous faire part de leurs inquiétudes. Par conséquent, nous espérons que les audiences éclaireront le débat et nous permettront de convaincre ceux qui doutent des mérites de cette modification.
[Français]
Si la formation d'un tel comité se justifie sur le plan de la procédure parlementaire et répond à un besoin chez les intervenants dans ce débat, une autre cause milite également en sa faveur. Comme l'a souligné le ministre des Affaires intergouvernementales dans son discours du 1er octobre à la Chambre des communes, l'opposition officielle à Québec a réclamé la tenue d'une commission parlementaire sur cette question. Le gouvernement péquiste n'a rien voulu entendre.
Voilà qui devrait nous convaincre encore davantage de la nécessité d'offrir une tribune aux opposants et aux partisans de cette modification constitutionnelle. Les citoyens, groupes et experts de cette question pourront s'y faire entendre et enrichir le débat de leur réflexion. Comme l'a affirmé le ministre des Affaires intergouvernementales, cette réforme est en soi une bonne chose, d'autant plus qu'elle est le fruit d'un consensus raisonnable.
La modification proposée marque une étape importante d'un débat qui a pris naissance au Québec il y a plus de 30 ans. À cette époque, le Québec connaissait une période intense de réformes dans de nombreux champs d'activités, notamment l'éducation. Ce fut la Révolution tranquille. La Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec, qu'on appelait la commission Parent, proposa l'idée des commissions scolaires linguistiques. Au cours des 20 dernières années, il y eut plusieurs tentatives infructueuses pour concrétiser cette idée. Celle-ci fit quand même son chemin, si bien qu'elle figurera parmi les recommandations du rapport final des états généraux sur l'éducation, en 1996.
La modification proposée vise à déconfessionnaliser les structures scolaires, et non à mettre un terme à l'enseignement religieux dans les écoles du Québec.
Il s'agit là d'un point crucial et sur lequel je tiens à insister. Les craintes que pourraient formuler des parents ou d'autres intervenants à cet égard ne sont pas fondées. La Loi sur l'instruction publique, la loi 109, qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec en mai dernier, est d'ailleurs très claire à ce sujet. Elle prévoit que les parents seront consultés avant la fin de la troisième année scolaire pour décider si le statut confessionnel de leur école sera maintenu.
De plus, l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec stipule, et je cite:
Les parents ont le droit d'exiger un enseignement moral ou religieux conforme à leur conviction.
Cette Charte possède une valeur quasi constitutionnelle, selon la Cour suprême du Canada.
L'enseignement religieux dans les écoles du Québec n'est donc pas menacé par cette modification. Elle vise simplement à adapter les structures scolaires à l'évolution qu'a connue la société québécoise au cours des dernières décennies.
Au Québec, les anglophones de religion protestante ont jusqu'ici utilisé les commissions scolaires protestantes pour gérer leurs écoles, ce que ne pouvaient faire les anglophones catholiques, en raison de leur situation minoritaire. Les anglophones se trouvent donc répartis au sein de deux réseaux de commissions scolaires différents.
À l'heure actuelle, la population anglophone du Québec décroît. La
situation est telle que les commissions scolaires protestantes servent
présentement un pourcentage croissant d'enfants dont la langue d'instruction
est le français. En effet, les étudiants qui se déclarent de foi protestante
représentent aujourd'hui moins de 40 p. 100 des étudiants desservis par les
commissions scolaires protestantes. Dans ces conditions, la création de deux
réseaux de commissions scolaires linguistiques pourra mieux servir les besoins
de la communauté anglophone du Québec que le système actuel.
[Traduction]
Comme l'a dit le ministre des Affaires intergouvernementales, grâce à un système de la sorte, la communauté anglophone pourra regrouper sa population scolaire et appuyer sur une base plus solide ses droits en vertu de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Permettez-moi de souligner que cet article garantit aux francophones et aux anglophones le droit à l'enseignement dans leur propre langue depuis 1982.
La modification proposée permettra de revoir les structures en place et de les adapter à la composition sociologique actuelle des communautés anglophones. Comme dans le cas de l'enseignement religieux, la modification proposée ne modifiera pas le droit des anglophones du Québec à administrer leurs propres écoles. En fait, une résolution adoptée en avril par l'Assemblée nationale du Québec stipule que l'assemblée réaffirme les droits de la communauté anglophone du Québec et plus précisément le droit de ses enfants à recevoir l'enseignement dans des écoles anglophones, administrées et contrôlées par la communauté anglophone et financées à même les deniers publics, conformément aux lois du Québec. Bref, la modification permettra à la communauté anglophone de raffermir le contrôle qu'elle exerce sur ses institutions.
[Français]
Nous devons toutefois reconnaître qu'en dépit de cette réalité, certaines inquiétudes subsistent au sein de la communauté anglophone; sa situation démographique est préoccupante. Les lois qui limitent l'accès à l'enseignement en anglais sont bien connues.
Enfin, et ce n'est pas le moindre écueil, l'orientation sécessionniste du gouvernement du Québec n'est pas de nature à rassurer nos concitoyens anglophones de cette province. Mais cette modification constitutionnelle ne devrait pas engendrer de telles inquiétudes puisqu'elle servira au contraire l'objectif que recherche cette collectivité, c'est-à-dire assurer son progrès et son développement au sein de la société québécoise.
Les deux points dont je viens de traiter, le maintien de l'enseignement religieux dans les écoles et la protection des droits de la communauté anglophone, expliquent en grande partie le consensus dont cette réforme fait l'objet au Québec.
En outre, cette modification a reçu l'appui de plusieurs organismes catholiques, par exemple, le comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation, qui est en fait le porte-parole officiel des catholiques en matière d'éducation, la Commission des écoles catholiques de Québec et la Provincial Association of Catholic Teachers.
Pour leur part, les évêques du Québec soutiennent l'établissement de commissions scolaires linguistiques, pourvu que les parents puissent choisir l'orientation confessionnelle de leur école, ce que la loi prévoit.
Le mouvement scolaire confessionnel est le seul à s'être opposé à la modification constitutionnelle lors de la commission parlementaire sur le projet de loi 109 tenue à Québec.
Chez les protestants, l'Association des communautés scolaires franco-protestantes est le seul groupe qui a dénoncé la modification. Toutefois, les élèves franco-protestants représentent moins de 2 p. 100 de l'ensemble des étudiants francophones. Par ailleurs, d'autres groupes, tels que la Fédération des commissions scolaires du Québec, la Fédération des comités de parents de la province de Québec, l'Association provinciale des enseignants protestants et la Commission de l'éducation en langue anglaise se sont prononcés en faveur de la modification.
Comme on le voit, l'ampleur de ce consensus est considérable.
w (1610)
Si nous croyons nécessaire de tenir, malgré tout, des consultations dans le cadre du comité mixte, la tenue d'un référendum au Québec sur cette question, tel que l'a suggéré le chef de l'opposition officielle à la Chambre des communes, ne nous apparaît pas pertinente. Après tout, un référendum n'est une caisse de résonance que pour la majorité.
Le chef de l'opposition a aussi exprimé des réserves en ce qui concerne la formule de modification constitutionnelle à utiliser. Selon lui, la Cour suprême devait trancher la question. Pourtant, l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule clairement qu'il nous est possible de procéder à la modification de certaines dispositions constitutionnelles qui n'affectent qu'une ou plusieurs provinces, avec le seul accord du Parlement de la province ou des provinces concernées.
La modification proposée n'ayant d'effet qu'au Québec, il est donc possible d'y donner suite de façon bilatérale. Comme l'a indiqué le ministère des Affaires intergouvernementales, la position du gouvernement s'appuie sur des opinions juridiques solides.
Honorables sénateurs, la modification constitutionnelle proposée ne servira pas uniquement à moderniser les structures scolaires au Québec et à les adapter à l'évolution de la société québécoise.
J'y vois, à certains égards, une portée symbolique qui dépasse largement le cadre de ce débat, un exemple éloquent de collaboration fédérale-provinciale et du caractère fonctionnel et flexible de notre Constitution. Il est encourageant de voir le gouvernement du Québec et celui du Canada travailler ensemble à la solution d'un problème qui perdure depuis plusieurs années. Notre fédération fonctionne bien et nous voulons qu'elle fonctionne encore mieux à l'avenir.
Ce débat démontre qu'il nous est possible de modifier notre Constitution sans qu'il soit nécessaire aux Québécois de rompre le lien fédératif. Si ce désir de collaboration était toujours aussi présent chez le gouvernement péquiste, nous trouverions des solutions à un bon nombre de problèmes qui nous confrontent. C'est d'ailleurs pourquoi le dernier discours du Trône fait de l'unité du pays et de la collaboration avec nos partenaires provinciaux la priorité de notre gouvernement.
Honorables sénateurs, je vous invite donc à appuyer la motion soumise à votre attention.
Le sénateur Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, pour ne pas qu'il y ait confusion, je vous dirai d'abord qu'il y a 20 ans, j'ai recommandé la création de commissions scolaires linguistiques; cela n'est pas mon point.
Toutefois, cela n'est pas aussi simple que le sénateur nous l'a exposé. Il fait allusion à l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 et le Québec n'est pas contraint par cela, car il ne l'a pas signée. Ce n'est alors pas aussi simple que le sénateur veut l'indiquer.
Je me demande s'il est raisonnable de penser au 7 novembre comme étant l'échéance à ce débat; il y aura peut-être des amendements qui seront proposés. Lorsque le sénateur dit que les droits des anglophones sont protégés au Québec, cela est vrai, mais avec une certaine limite. La loi 101 ne les protège pas, au contraire. On permet maintenant aux anglophones qui proviennent de l'extérieur du Québec d'aller à l'école anglaise. Cependant, les anglophones du Québec qui ne sont pas nés de parents anglophones qui ont été instruits au Québec n'ont pas le droit d'aller à l'école anglaise. Il n'y a plus aucun ressourcement pour cette communauté. La question des droits des anglophones est plus complexe que M. Dion voudrait qu'elle le soit et l'on ne peut pas adopter cette résolution aussi rapidement.
Ma question est la suivante: la date du 7 novembre 1997 est-elle une date réaliste pour l'adoption de cette modification constitutionnelle?
Le sénateur Hébert: C'est une date qui a été négociée entre les deux gouvernements. Ils ont évalué la situation et ils croient honnêtement que cela est possible. Vous savez fort bien que l'on peut accélérer le processus. Nous pouvons nous servir de toutes sortes de moyens pour faire entendre les témoins: des moyens électroniques et autres. Je suis d'avis que cela est réaliste et possible, et que cela correspond à l'échéancier que le gouvernement de Québec insiste beaucoup que l'on respecte.
Le sénateur Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, je ne demande pas que les séances du comité continuent jusqu'au mois de janvier. Je n'y tiens pas plus que cela.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, les quinze minutes réglementaires normalement accordées au sénateur Hébert comprennent également la période de questions, et le temps est écoulé. Avez-vous une question rapide à lui poser?
Le sénateur Lavoie-Roux: Éliminez-vous la possibilité que le comité qui sera formé puisse proposer une autre date d'échéance, si besoin est?
Le sénateur Hébert: Je ne suis pas en mesure de répondre à une question comme celle-là. Par exemple, si le comité soulevait des raisons de vie ou de mort, le gouvernement pourrait peut-être accepter un compromis quelconque. Pour l'instant, cette date est réaliste. Elle a été convenue entre les deux gouvernements et si on la dépassait, cela pourrait retarder tout le processus d'une année complète. Il y a déjà eu la période électorale et un autre laps de temps où nous n'avons pas siégé, donc il faut accélérer. Nous devrions tenter d'atteindre cet objectif.
L'honorable Marcel Prud'homme: Quelle a été la réponse, lorsque le sénateur Lavoie-Roux a demandé le consentement d'allonger le débat?
Son Honneur le Président: Le Sénat est-il d'accord pour allonger le débat?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis très heureux qu'une commission parlementaire soit formée. C'est un peu différent de ce que la Chambre des communes avait fait lors de la demande de modification de la Constitution pour Terre-Neuve. Nous avons eu des audiences à Terre-Neuve grâce au Sénat et c'était très important. Si nous comparons à ce qui s'est passé en semblable matière à Terre-Neuve, peut-on envisager qu'il puisse y avoir de telles audiences au Québec? Ce serait important. Pourquoi n'y a-t-il pas, dans la résolution, une proposition pour que le comité puisse siéger à Ottawa, mais aussi au Québec?
Le sénateur Hébert: Dans le cas de Terre-Neuve, c'est une province qui est assez éloignée et les communications ne sont pas faciles avec Ottawa. Il ne s'agit pas de la même situation pour le Québec. Les témoins des Îles-de-la-Madeleine ou du Lac Saint-Jean peuvent se rendre à Ottawa aussi facilement qu'à Montréal si les audiences avaient lieu à Montréal.
De nos jours, avec les moyens électroniques dont nous disposons, nous pouvons avoir des conférences avec des témoins qui ne peuvent pas se déplacer. Il va de soi que tous les coûts des déplacements des témoins seront défrayés par le gouvernement, de telle sorte que personne ne sera privé d'être entendu.
L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, vous nous avez donné comme argument au sujet de la date d'échéance que les deux gouvernements se sont entendus. Cela ne me semble pas un bon argument. Que les deux gouvernements s'entendent «comme larrons en foire» pour régler un problème qu'ils ne jugent pas majeur, c'est une façon de faire. Qu'arrivera-t-il si nous entendons des gens qui s'opposent à un tel amendement dans la province de Québec?
On a soulevé le cas des anglophones dont certains droits sont brimés, mais supposons que des catholiques nous mentionnent qu'ils veulent conserver le droit constitutionnel qu'ils avaient auparavant. S'ils ne se satisfont pas d'une entente entre les gouvernements à l'effet qu'ils vont avoir des écoles catholiques et qu'ils désirent garder leur droit constitutionnel à un enseignement religieux et qu'ils sont 100 000 à le dire, ne va-t-on pas les écouter? Tout cela en raison du fait qu'il y a eu un petit vote de l'Assemblée nationale du Québec et que l'on doit se dire que cela est suffisant. Je dois vous prévenir à l'avance que cela ne se passera pas comme cela tant que je siégerai en cette Chambre.
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, sur la question du délai, il y a un autre point qui va se soulever. Ce matin, j'ai rencontré l'ancien doyen de la faculté de droit de l'Université McGill, qui m'a demandé mon avis sur ce projet de loi d'amendement. Je suis d'avis que cet amendement peut passer de façon bilatérale. Je suis cependant forcé d'admettre qu'il y a un argument très fort à l'effet que cela demande également l'accord de l'Ontario.
Dans l'article 93 de la Loi constitutionnelle, il y a une référence au
Haut-Canada et au Bas-Canada, et il y a également la théorie du pacte et le
fait que l'Ontario et le Québec ne formaient qu'une seule province de 1840 à
1867. Deux provinces ont été formées, mais interreliées en ce qui a trait à
l'article 93, eu égard aux droits confessionnels.
C'est un argument qu'il va falloir vider entre nous. Je répète que je suis porté à croire que cela peut se faire de façon bilatérale, mais il y a d'autres juristes qui disent que cela prend trois acteurs principaux: le Québec, l'Ontario et Ottawa. Cela complique considérablement les choses s'il y a deux provinces qui doivent accepter, en plus de l'autorité fédérale.
La date du 7 novembre m'apparaît extrêmement rapprochée pour régler ce problème. Il y a aussi le problème de l'article 59 qui touche aux droits linguistiques au Québec et aussi àl'article 23 de la Charte des droits. La langue dans les écoles est protégée par l'article 23. Les droits confessionnels sont protégés par l'article 93. Ce sont deux articles différents mais le Québec bénéficie de l'article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y a tout de même quelques problèmes importants où on risque d'avoir plusieurs opinions.
Je ne peux pas voir comment on peut régler ce problème en trois semaines, mais on peut peut-être le régler d'ici Noël, c'est autre chose.
Son Honneur le Président: Ce sont des questions qui ont été posées par les sénateurs Bolduc et Beaudoin. Ils n'ont pas le droit de parole. Ce sont des questions et le sénateur Hébert a le droit de répondre.
Le sénateur Hébert: Je suis vraiment trop prudent pour m'embarquer dans des discussions constitutionnelles avec le sénateur Beaudoin. En ce qui concerne la date, ce n'est pas trois semaines, c'est quand même un mois et avec les moyens dont nous disposons pour faire vite quand nous le voulons, je crois que ce serait possible. L'opinion que je vous donne reflète celle du ministre et du gouvernement. Je respecte la vôtre et celle de votre collègue qui semble penser que cela ne sera pas assez long. Enfin, on verra bien.
(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)
Le comité de sélection
Adoption du deuxième rapport du comité
Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du comité de sélection (nomination de sénateurs pour siéger à des comités particuliers), présenté au Sénat le 2 octobre 1997.L'honorable Jacques Hébert: Honorables sénateurs, je propose l'adoption du rapport.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je demande l'ajournement du débat, appuyé par le sénateur Simard.
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Prud'homme, appuyé par l'honorable sénateur Simard, propose l'ajournement du débat jusqu'à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.
Le sénateur Prud'homme: Je demande le vote.
Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.
[Traduction]
On s'est entendu pour que le timbre sonne pendant quinze minutes. Nous reviendrons donc pour le vote à 16 h 40.
w (1640)
(La motion du sénateur Prud'homme, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Bolduc Cogger Comeau Grimard Murray Prud'homme Simard-7
|
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Adams Andreychuk Bacon Beaudoin Bonnell Bryden Buchanan Butts Callbeck Carney Carstairs Cochrane Cools Corbin DeWare Doyle Fairbairn Ferretti Barth Forest Forrestall Ghitter Gigantès Graham Gustafson Haidasz Hays Hébert Hervieux-Payette Johnson Kinsella Kirby Kolber Lavoie-Roux LeBreton Lewis Losier-Cool Lynch-Staunton Mercier Milne Moore Pearson Petten Poulin Robichaud (L'Acadie-Acadia) Robichaud (Saint-Louis-de-Kent) Spivak Stewart Stollery Stratton Taylor Wood-51
|
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Eyton-1
|
[Français]
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, nous connaissons tous les règles. Pour mes bons amis les nouveaux sénateurs, dont deux m'ont demandé d'expliquer un peu les règlements, nous allons donner aujourd'hui un peu d'explications, le plus poliment, le plus agréablement possible.
Je n'ai aucune note, mais j'ai beaucoup de mémoire. C'est une vieille tradition au Sénat que les sénateurs sont tous égaux. Son Honneur le Président lui-même l'a bien dit lors du dernier Parlement: «Sénateur Prud'homme, vous n'êtes membre d'aucun comité mais je vous assure que vous avez les mêmes droits que tous les sénateurs; vous pouvez aller dans les comité qui vous plaisent; vous pouvez questionner les témoins, et c'est normal, après qu'un sénateur membre d'un comité aura fait son devoir pour lequel il a été nommé, puis le président, par courtoisie et par droit, vous accordera la parole.»
Je n'ai pas abusé de ce droit. Je dois dire que pour un non-membre, selon ce que j'ai vu dans les journaux, je ne tiens pas de dossier là-dessus, mais j'ai assisté à 25 réunions de comité. Ce n'est pas si mal pour un non-membre de comité.
Je dois vous faire part de ce qui m'inquiète dans ce que j'ai vu se développer au cours des années. Je sais que ce n'est pas une question personnelle, je le souhaite. J'ai siégé 30 ans comme député liberal à la Chambre des communes, je le sais! Je sais que j'ai été élu neuf fois député libéral avec des majorités très agréables. J'aurais pu continuer agréablement ma vie de député avec 40 000 $ de plus par année.
Vous semblez ignorer le salaire des sénateurs et des députés, cela prend quelqu'un pour défendre le Sénat à l'occasion. J'ai essayé de vous offrir ce que j'avais de mieux, c'est-à-dire le peu de talents que le Bon Dieu a bien voulu me donner, et parmi ces talents, il y en avait un qui était de défendre l'institution du Sénat. Il semble que cela n'a pas fait beaucoup de bruit chez mes collègues qui en ont retenu très peu et qui se moquent éperdument du travail que j'ai pu faire.
Je ne vous dirai pas, honorables sénateurs, le nombre de milliers de jeunes que j'ai reçus pendant mes années au Parlement. Cela dépasse les dizaines de milliers à la Chambre des Communes. Je ne vous dirai pas les endroits où je me suis rendu au Canada pour parler pendant que j'étais sénateur, cela dépasse nombre de fois, mais j'ai quand même fait la même chose lorsque j'étais député, soit 253 fois dans l'Ouest canadien, pour le sénateur Carney qui nous quitte.
[Traduction]
w (1650)
J'ai dit que j'avais beaucoup d'affinités avec les habitants de la Colombie-Britannique. D'abord, je suis celui qui a réclamé un cinquième veto avant que la Chambre des communes ne décide de remédier à la situation. J'aime donc mon pays, l'institution, le Sénat et ses comités.
Je suis un homme très gentil et on ne peut plus patient. J'ai attendu, attendu, attendu. Je ne dirais pas qu'on m'avait fait des promesses car je devrais ajouter que vous ne les avez pas tenues. Quoi qu'il en soit, quatre ans se sont écoulés - soit de juin 1993 à aujourd'hui - depuis ce jour où on m'a dit qu'une modification serait présentée au comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, qui n'a jamais siégé.
Dans un sens, je suis idiot de demander de siéger à des comités. Je pourrais me la couler douce tout en me plaignant de ne pas être membre de comités et de ne pas être appelé à siéger à des comités, mais je tiens à prendre part à leurs délibérations. Je rappelle aux honorables sénateurs que j'ai consacré 35 ans de ma vie aux affaires étrangères. J'ai été le président de ce comité à la Chambre des communes pendant 14 ans, à l'époque deM. Trudeau. J'ai dû être un assez bon président pour me maintenir à ce poste aussi longtemps. Je suis sûr que les autorités auraient rapidement mis fin à ma carrière si je n'avais pas été un président compétent.
J'ai siégé à presque tous les comités de la Chambre des communes. L'un des comités les plus distingués était présidé par Son Honneur. Il avait trait au renouvellement du Canada. Nous avons sillonné le Canada ensemble. Son Honneur a même daigné rendre visite à mon père et à ma famille dans mon humble demeure, à l'époque où j'habitais encore Montréal. C'était le bon temps.
On me qualifie maintenant d'indépendant. Certains ont dit qu'ils ne me pardonneraient jamais d'avoir abandonné le Parti libéral. Je me suis souvenu de ces propos en arrivant ici. Mais je n'ai jamais cru que ces gens pouvaient être aussi - je ne veux pas dire mesquins. Je ne l'ai pas cru alors et je ne le crois pas davantage aujourd'hui.
Il se trouve seulement que le Règlement ne donne pas de directives dans ce cas-ci. J'ai dit que j'espère que cette situation ne se produit pas parce que je m'appelle Marcel Prud'homme, un nom très canadien-français du Québec, mais je vais nommer les sénateurs indépendants ci-dessous qui ont siégé à des comités. Il y a d'abord Michael Pitfield, qui préside le comité sénatorial permanent des finances nationales et celui de la sécurité et du renseignement. Il s'agit là de comités très importants pour un sénateur indépendant.
Edward Lawson a été nommé - si ma mémoire est bonne - le même jour que notre Président, le sénateur Molgat. Ne faites pas attention à ce petit renseignement que je sors de ma mémoire.
Ensuite, il y a un membre du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et du comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui est un excellent homme. Lorsqu'on écrira l'histoire, vous verrez pourquoi je suis sénateur indépendant. Cet homme n'a voulu être remplacé par personne, à l'exception d'un indépendant. Je ne fais que vous relater l'histoire.
Comme les honorables sénateurs le savent, j'ai succédé à Hartland
deMontarville Molson en tant que sénateur indépendant. Il a présidé le
comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, le
comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, le comité
spécial du Règlement du Sénat et a été membre du comité sénatorial
permanent des banques et du commerce. Je serais honoré de siéger aux côtés
des banquiers que je vois à ce comité et des gens qui s'y connaissent en
finances. Le sénateur Molson était également membre du comité sénatorial
permanent des transports et des communications et du comité sénatorial
permanent des finances nationales. Qui sait, j'apprendrais peut-être enfin à
gérer mes propres finances si je siégeais à ce comité!
Ensuite, il y a Calixte Savoie, qui était membre du comité mixte des impressions, du comité des relations extérieures, du comité des finances et du comité des débats et des comptes rendus.
Il y a également un de mes amis très proches, du Manitoba, Douglas Everett, qui était membre du comité des affaires juridiques et constitutionnelles et du comité spécial sur les médias et la pauvreté au Canada et sur la réforme fiscale.
Vous vous souviendrez tous avec beaucoup de fierté d'Ann Elizabeth Bell, une personne à l'esprit très indépendant. Elle était membre du comité sénatorial permanent des transports et des communications et du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
Je vais être gentil avec le Sénat. J'étais prêt à vous donner un grand spectacle, pour vous changer les idées, en jetant ces papiers sur le plancher. Toutefois, cela remonte à la création du Sénat. Je me suis renseigné. Pourquoi devrais-je gaspiller votre temps? Vous n'allez pas prendre de décision. C'est triste. J'ai dit, et je le répète sans cesse en anglais, qu'à un moment où le Canada est menacé, vous traitez quelqu'un qui éprouve un sentiment particulier pour ce pays, à titre de Canadien-français - une expression intraduisible - d'une manière injuste. C'est ainsi que vous traitez une personne qui vous sourit. Je souris avec gentillesse, c'est ma nature. Je ne vous supplie pas à genoux, je ne ferais jamais cela. Je dis que si un groupe de gens intelligents comme celui qui forme le Sénat ne peut pas trouver une solution pour quelqu'un qui dit: «Et moi?», il y a quelque chose qui ne va pas dans cette institution. Je ne vois pas comment cette institution peut penser trouver une solution à la survie du Canada alors qu'elle ne peut même pas trouver un moyen de faire siéger un de ses membres à un comité.
Je vous ai fait plein de suggestions. Certains disent: «Donnez-moi un sénateur libéral et un sénateur conservateur.» Ce n'est pas nécessaire. Il n'y a qu'un seul sénateur qui doive obligatoirement siéger à un comité - j'ai vérifié avec d'autres. Ce comité n'avait qu'un sénateur libéral. J'accepte la pratique existante. Vous voulez conserver la majorité au comité au cas où je voterais d'un côté plutôt que d'un autre. C'est très simple, ajoutez un autre sénateur à ce comité et je ne dirai jamais qu'il y a une sorte d'inéquité au Sénat où tout le monde est censé être traité de la même façon. Il me semble que certains sont plus égaux que d'autres.
J'ai des amis qui sont prêts à appuyer toute motion que je pourrais présenter. Si vous ne le saviez pas, vous l'avez vu cet après-midi. Toutefois, j'ai d'autres personnes en réserve. Je connais le Règlement du Sénat, le «livre rouge», et je ne parle pas du livre de campagne des libéraux. Je l'ai lu pendant les vacances. Suis-je fou? J'ai passé 13 semaines, à mes frais, au Moyen-Orient, et j'ai rencontré tous les chefs d'État possibles, y compris Arafat. J'ai appris une chose: je peux être utile.
Pourquoi me forcez-vous à m'humilier alors que je n'ai rien en commun avec M. Bouchard, qui abuse de ce mot? Je ne suis pas humilié. Je ne pleure pas, j'essaie de vous expliquer quelque chose. Je prétends qu'il y a quelque chose de répréhensible dans une institution qui a tant de précédents, que j'ai énumérés.
w (1700)
Chose certaine, après avoir très bien servi mon pays, selon moi, à la Chambre des communes sans avoir de problème à me faire réélire, je n'ai jamais demandé une promotion. J'aurais été réélu, on me dit, car mon successeur n'a eu aucun mal à le faire, ce dont je me réjouis. Il s'appelle M. Pettigrew.
Honorables sénateurs, je propose que le Président du Sénat, qui est l'autorité ultime dans cette enceinte, soit également le président du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Je ne demande pas de faveur. Vous savez qui est important ici. Moi, je ne le sais peut-être pas. Certains l'ignorent peut-être. Dites-leur de se réveiller et ils obtiendront Prud'homme.
Lorsque je connaissais mes règles, je ne vous ai pas rendu la tâche trop facile en tant que président de comité. Vous ne voulez pas que je commence à me servir du Règlement ici et à réclamer des votes parce que j'aurai un appui maintenant sur pratiquement tout. Ne me poussez pas à bout. Je n'aime pas cela. Même si cela peut ressembler à du chantage, la dernière chose que je voudrais faire aux honorables sénateurs, c'est bien de les faire chanter. On ne m'y prendra pas après 35 années de politique. Cela pourra faire l'objet d'un autre débat. Le chat commence à sortir du sac maintenant, je vous le dis. Il y a de nombreux débats intéressants que nous pourrions avoir sur de nombreuses autres questions.
Je ne vous invite pas à acheter la paix. Je demande plutôt si je ne suis pas raisonnable. Est-ce que je ne vous présente pas des arguments très raisonnables? Je crois que les honorables sénateurs sont des gens raisonnables. Je pense que c'est sensé. Réfléchissons-y ensemble et donnons à cet homme un comité, et vous connaissez mon choix. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas satisfaire ma demande.
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Prud'homme présente d'excellents arguments pour lesquels il devrait être membre d'un comité. Personne d'entre nous ne remet cela en question, si je ne m'abuse. Cependant, nous avons été incapables de trouver une solution. Le nombre de sénateurs siégeant au comité est très limité. Ils sont de sept contre cinq. Il est clair que l'opposition ne veut pas se priver d'un de ses membres et que nous hésitons aussi à perdre notre majorité à un comité.
Le sénateur Prud'homme soulève la question du comité du Règlement qui n'a pas siégé au cours de la dernière session parlementaire. C'est regrettable. Or, le sénateur qui présidait ce comité était très malade. Nous avions espoir que son état s'améliorerait, ce qui ne s'est pas encore produit, malheureusement.
Le sénateur Kinsella et moi convenons parfaitement qu'il faudrait reformer le comité du Règlement pour qu'il puisse siéger dans les plus brefs délais. Ce nouveau comité devra se pencher d'abord sur la place à attribuer aux sénateurs indépendants qui veulent siéger aux comités. Il faudrait trouver moyen de leur accorder une place pour siéger au sein d'un comité sénatorial. Ce n'est pas un refus de collaborer, mais bien une volonté de collaborer pour venir à bout de ce dilemme.
Le sénateur Prud'homme: Pourquoi ne procédons-nous pas ouvertement? Je le fais toujours. C'est très simple. À l'heure actuelle, les membres du comité sont sept contre cinq. Dans le cas fort peu probable où je voterais avec l'opposition, le compte serait de sept contre six. S'il était de six contre six, alors le président aurait toujours voix prépondérante.
Regardons les choses en face. Supposons que je sois déterminé à assister à un comité pour y semer le désordre et voter constamment avec l'opposition. Premièrement, il n'y a pas souvent de vote. Deuxièmement, je n'ai jamais fait problème. Ma question est donc la suivante: pourquoi ne pas régler la question tout de suite? Nommez un comité; je ne siégerai pas à un grand nombre de comités. Un seul me suffit. Vous pouvez prendre cette décision publiquement et dire qu'une proposition a été faite. Même l'opposition sera immédiatement d'accord. Je l'espère. Pourquoi attendre encore le comité?
[Français]
L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.
Son Honneur le Président: Je regrette, mais le Règlement ne permet pas de présenter la même motion deux fois. Je dois admettre que le Règlement n'est pas clair sur la question. Nous avons un règlement à la Chambre des communes qui dit qu'une motion d'ajournement ne peut pas être répétée à moins qu'il y ait eu une activité intervenante de nature à être dans les procès-verbaux. Je ne peux pas accepter une autre motion d'ajournement.
Le sénateur Simard: Est-ce que vous pouvez prendre le temps de clarifier le Règlement? Vous avez dit, si j'ai bien entendu, que le Règlement n'était pas clair. Je propose de prendre une heure, deux heures, une journée, deux jours pour faire la lumière au sujet du Règlement.
Son Honneur le Président: Quand le Règlement ne parle pas ou n'a pas un article parlant de l'ajournement, nous nous référons au Règlement de la Chambre des communes et je vous cite l'article 60, à la page 33, qui dit:
Une motion en vue de l'ajournement, à moins d'être autrement interdite par le Règlement, peut être faite en tout temps, mais elle ne peut être renouvelée que si la Chambre a, dans l'intervalle, procédé à une autre opération.
Puisque nous n'avons pas procédé à une autre opération, je ne peux pas accepter une autre motion d'ajournement.
Le sénateur Simard: Est-ce que je peux poser une question au leader du gouvernement?
Son Honneur le Président: La dernière personne qui a parlé est le sénateur Carstairs. Le Règlement vous permet de lui poser une question.
Le sénateur Simard: Le sénateur Carstairs peut-elle nous informer des raisons qui ont motivé le leadership libéral à ne pas nommer le sénateur Kenny au comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration?
[Traduction]
Le sénateur Carstairs: Je remercie le sénateur de sa question.
Le 29 septembre 1997, l'honorable sénateur Kenny a écrit ceci au whip du Parti libéral:
Pour donner suite au fax que je vous ai fait parvenirle 9 septembre au sujet des affectations aux comités, je vous fais part de ma décision de ne siéger à aucun comité au cours de cette année.
[Français]
Le sénateur Simard: J'ai une question supplémentaire: j'ai une lettre écrite par le sénateur Dalia Wood à tous les sénateurs siégeant au comité de la régie interne. Elle explique les raisons qui ont amené le leadership libéral au Sénat à ne pas sélectionner le sénateur Kenny. Le sénateur Wood évoque la demande. Le sénateur Kenny a demandé au leadership libéral du Sénat de lui permettre d'être le coprésident du comité de l'énergie et des ressources naturelles et également de présider le comité de la régie interne.
Je suis au Sénat depuis 12 ans, et j'ai apprécié le travail de tous les présidents du comité de la régie interne.
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Simard, quelle est la question?
Le sénateur Simard: Notre collègue, le sénateur Carstairs, a dit que le sénateur Kenny a demandé de ne siéger à aucun comité.
Le sénateur Carstairs ne nous a pas mentionné les raisons qui ont amené le
sénateur Kenny à ne siéger à aucun comité. Sa décision aurait-elle été
la même si le leadership libéral avait accepté de permettre au sénateur
Kenny d'être à la fois membre du comité de la régie interne et de
coprésider le comité permanent de l'énergie? La réponse du sénateur
Carstairs étant incomplète, voudrait-elle expliquer les raisons qui ont amené
le sénateur Kenny à prendre cette position?
[Traduction]
w (1710)
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, c'est le sénateur Kenny qui devrait répondre à cette question, mais il est clair que ce sont les dirigeants qui, en consultant tous les membres de leur caucus, décident qui siégera à tel ou tel comité. C'est une très vieille tradition du Sénat.
Je puis donner à l'honorable sénateur l'assurance que tous les sénateurs se sont vu proposer leur premier et leur deuxième ou leur troisième choix - deux sur les trois dans la quasi-totalité des cas.
[Français]
Le sénateur Simard: Pour terminer la période de 15 minutes qui m'est allouée, je vais ajouter que...
Son Honneur le Président: Sénateur Simard, vous posez une question ou vous participez au débat?
Le sénateur Simard: Je vais parler deux minutes.
Son Honneur le Président: Vous prenez la parole dans le débat. C'est cela?
Le sénateur Simard: C'est cela. Honorables sénateurs, il y a 15 jours, j'ai informé mon caucus, le leadership de ce côté-ci, que je préférerais ne siéger à aucun comité à ce moment-ci. Puisque je retrouve mon nom au comité mixte des langues officielles, j'aimerais qu'on l'enlève.
[Traduction]
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais en revenir à la réponse que le sénateur Carstairs donnait à l'intervention du sénateur Prud'homme.
Je tiens à ce qu'il soit parfaitement clair que notre principe, de ce côté-ci, lorsqu'il s'agit des sénateurs indépendants, est que le gouvernement a la responsabilité de s'occuper de leurs intérêts. C'est vrai lorsqu'il s'agit d'attribuer les sièges au Sénat et d'attribuer des bureaux, et c'est aussi le cas au moment du choix des membres des comités.
Le simple poids du nombre soutient ce principe. Le côté ministériel compte plus de sénateurs que l'opposition, puisque, dans nos comités, le président peut toujours voter. Cela n'empêche donc pas le gouvernement de conserver sa majorité aux comités. Le parti ministériel pourrait conserver sa majorité dans tous les comités et prévoir une place pour les sénateurs indépendants. S'il utilisait un des sièges dont il dispose, il pourrait satisfaire les intérêts de toutes les parties. L'opposition n'a évidemment pas cet avantage, et c'est pour cette raison qu'elle ne peut céder un de ses sièges.
Cela dit, honorables sénateurs, à la fin de la journée, le comité de sélection présente un rapport, comme il l'a fait, à l'ensemble de la Chambre, et nous pouvons l'étudier et y apporter les amendements que nous jugeons utiles. Il me semble que nous sommes maintenant arrivés à cette étape. Si un sénateur veut proposer un amendement au rapport pour y modifier un nom, il peut présenter une motion en ce sens.
Son Honneur le Président: Le Sénat est saisi de la motion de l'honorable sénateur Hébert qui, appuyé par l'honorable sénateur Robichaud (Acadia), propose que le deuxième rapport du comité de sélection soit maintenant adopté. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: La motion est adoptée.
Le sénateur Prud'homme: Avec réticence.
Son Honneur le Président: Avec dissidence.
Le sénateur Prud'homme: Non, pas avec dissidence, mais avec réticence.
Son Honneur le Président: Très bien, sans dissidence, alors.
(La motion est adoptée.)
La Société de développement du Cap-Breton
Motion portant reconstitution du comité spécial-Ajournement du débat
L'honorable Lowell Murray, conformément à l'avisdu 1er octobre 1997, propose:Que le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton soit reconstitué pour examiner, afin d'en faire rapport, le rapport annuel, le plan d'entreprise ainsi que les rapports d'activité de la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes;
Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et de produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;
Que les documents et les témoignages recueillis à ce sujet et le rapport déposé au greffier du Sénat le 25 avril 1997 par le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton au cours de la trente-cinquième législature soient renvoyés à ce comité;
Que le comité soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible les travaux; et
Que le comité présente son rapport final au plus tardle 15 décembre 1997, et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion de son rapport final, et ce jusqu'au 30 décembre 1997.
- Honorables sénateurs, la motion vise à reconstituer un comité spécial du Sénat qui avait été créé au printemps de 1996. L'avenir de l'industrie houillère au Cap-Breton était alors en plus grand péril qu'il ne l'avait jamais été en 25 ans, ou du moins c'est ce qui semblait être le cas.
Voici quelle était la situation: En 1990, le gouvernement fédéral avait annoncé que le versement de subventions à la société d'État, la Société de développement du Cap-Breton, allait cesser à la fin de l'exercice 1994-1995. Après cela, la Société de développement du Cap-Breton devrait s'en tirer toute seule comme une entreprise commerciale.
À l'automne 1995, il était devenu clair pour la nouvelle direction que l'entreprise ne réussirait pas à s'en sortir toute seule au cours de la première année sans subventions de l'État. Sur ce, la direction a rendu publique une révision très draconienne de son plan d'entreprise. Cette révision prévoyait, entre autres choses, de substantielles réductions des objectifs de production et de ventes, la mise à pied de 800 travailleurs sur une période de trois ans, le quasi-abandon des marchés d'exportation et la fermeture anticipée de l'une des deux mines en exploitation au Cap-Breton.
w (1720)
C'est dans ce contexte que j'ai pris la parole, à la reprise des travaux parlementaires au début de 1996, pour lancer un débat qui a fini par donner lieu à la création du comité spécial.
La direction de la société a fait connaître son plan d'entreprise à la population du Cap-Breton à l'occasion d'une série de consultations locales. Au cours de la même période, la direction a été persuadée de réviser son plan pour le rendre un peu moins draconien. En 1996, elle a déposé un plan - que le gouvernement a approuvé - qui était un peu moins pénible en termes de mises à pied, un peu plus ambitieux en termes d'objectifs de production et de ventes et un peu plus positif en termes de projections financières.
Le gouvernement a doré la pilule avec un prêt de 79 millions de dollars pour couvrir les pertes prévues par la société au cours de la période courant depuis l'exercice 1995-1996 jusqu'à la fin de l'exercice 1998-1999. Le prêt est en voie de remboursement avec intérêts.
Le comité du Sénat a approuvé le plan modifié, bien que nous ayons remarqué qu'il y avait de sérieuses lacunes dans l'information mise à notre disposition, notamment en ce qui concerne les fondements de certaines des projections dans le plan d'entreprise. Quoi qu'il en soit, tous se sont entendus pour dire que la viabilité commerciale était la clé de l'avenir pour l'industrie du charbon du Cap-Breton et la société d'État. C'était certes le consensus qui s'est dégagé au sein de notre comité, de même que, de façon générale, au sein des témoins que nous avons entendus et qui représentaient non seulement le ministre et ses collaborateurs, mais encore la direction de l'entreprise, les syndicats ainsi que le gouvernement et les municipalités de la Nouvelle-Écosse.
C'est dans le but d'examiner les progrès prévus dans le plan d'entreprise que nous rétabli le comité en février 1997. Nous nous sommes réunis à deux reprises en 1997, une fois le 17 mars à Ottawa, et une deuxième fois le 20 mars au Cap-Breton.
Au cours de notre visite au Cap-Breton, les membres du comité en ont profité pour se rendre sous terre dans la mine de charbon de Phalen et observer les activités d'extraction du charbon. Cela nous a également permis de parler aux mineurs et aux dirigeants de la mine au sujet de l'avenir de l'industrie - une expérience qui a été, à mon avis, très enrichissante pour nombre de membres du comité.
Quand nous nous sommes réunis au mois de mars, il ne restait que quelques semaines à l'exercice financier 1996-1997 de l'entreprise. Les gestionnaires n'étaient pas en mesure de nous communiquer les résultats presque définitifs de l'exercice. Ils nous ont dit alors qu'il était presque assuré que l'entreprise atteindrait ses objectifs financiers minimaux pour l'exercice 1996-1997. Il y avait des problèmes, évidemment. La production et les ventes étaient en baisse, mais les coûts totaux l'étaient aussi.
Le principal facteur qui explique ce rendement au cours de l'exercice 1996-1997, et qui explique, à mon avis, pourquoi l'entreprise a atteint ses objectifs financiers minimaux, c'est que l'entreprise a réussi à diminuer ses stocks de charbon de près de 200 000 tonnes. Cette information a été confirmée hier lorsque le rapport annuel a été déposé à la Chambre des communes par l'actuel ministre des Ressources naturelles, M. Goodale. Le rapport annuel fait état, en effet, d'une perte d'environ30 millions de dollars pour l'exercice 1996-1997, soit une perte légèrement inférieure à celle qui avait été prévue dans le plan d'entreprise.
On a également rendu public, hier, un peu tardivement, un rapport trimestriel pour le premier trimestre de l'exercice en cours, 1997-1998. Le fait saillant de ce rapport, je regrette de le dire, est que l'entreprise, au 30 juin, était en deçà de 6 millions de dollars de son objectif. Ils avaient prévu un excédent net d'environ trois millions de dollars et ils ont fait un déficit de trois millions. Ils ont donc manqué leur cible de 6 millions de dollars.
Il se pourrait que l'entreprise réussisse à se tirer de ce mauvais pas en cours d'année, mais il est trop tôt pour le dire. Il est de notoriété au Cap-Breton qu'il y a déjà eu et qu'il y a encore de graves difficultés liées à la géologie et aux infiltrations d'eau à la mine de charbon Phalen. Tout le monde sait que la direction et
les employés ont travaillé extrêmement fort pour surmonter ces
difficultés et, apparemment, ils sont en train d'y parvenir. Cependant, comme
vous le savez peut-être, la durée de vie de la mine Phalen fait l'objet de
spéculations très pessimistes au Cap-Breton. Il y a deux ans seulement, le
président de Devco,M. Shannon, a suscité de grands doutes sur la durée de vie
probable de cette mine.
Quelques questions se posent en raison des très récents problèmes survenus à Phalen: quelles répercussions auront-ils sur la production et sur les autres objectifs du plan d'entreprise cette année et par la suite? Qu'en est-il des objectifs d'exportation? L'entreprise réussira-t-elle à reconstituer ses stocks cette année comme elle avait prévu le faire?
Une chose est sûre, c'est que les plans de l'entreprise pour cette année et les quatre prochaines années sont en cours de révision, comme cela se fait chaque année. Si la motion est adoptée et le comité formé, nous voudrons voir, j'en suis convaincu, ces plans révisés.
Honorables sénateurs, il y a une question qui, avant toute autre, doit être réglée, c'est celle de l'avenir de la mine de charbon Donkin. Au cours des années 1980, le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de la Société de développement du Cap-Breton, a dégagé quelque 80 millions de dollars pour payer les frais d'exploration et de mise en valeur de cette mine. Celle-ci n'a jamais été ouverte. En 1991, le gouvernement, ou la société, ont dévalué les actifs en raison de la déprime des marchés. Néanmoins, la mine est là et elle a toujours été vue comme une réserve pouvant être mise en production au moment opportun.
w (1730)
En 1996, le comité du Sénat chargé d'examiner les affaires de Devco a dit que, étant donné la durée de vie peut-être limitée des deux mines de charbon actuellement en exploitation, Devco et le gouvernement, qui est seul actionnaire, devraient peut-être regarder vers l'avenir, que nous devrions peut-être examiner s'il restera quelque chose après Phalen et Prince. En particulier, nous avons suggéré que la société et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse collaborent dans une étude conjointe pour mettre à jour les données géologiques et économiques, qui datent maintenant de dix ou quinze ans, afin d'établir si Donkin est effectivement une entreprise viable pour l'avenir.
Nous sommes revenus à la charge encore une fois après la reconstitution du comité en 1997 et nous n'avons eu que de la résistance de la part des dirigeants de la société. Ils nous ont dit qu'ils n'avaient ni l'argent, ni le temps ni les ressources humaines nécessaires pour entreprendre un tel projet. Ils ont laissé entendre que penser à Donkin et parler de Donkin, même si c'était pour tenter d'en déterminer la viabilité économique future, ne ferait que les distraire du défi important qui consiste à rentabiliser les opérations actuelles.
Dans notre rapport de 1997, que nous avons déposé juste avant la dissolution de la 35e législature, le comité a dit ne pas comprendre pourquoi, étant donné la durée de vie limitée de Phalen et de Prince, la Société de développement du Cap-Breton et le gouvernement provincial, pour qui l'économie du Cap-Breton revêt une importance manifeste, refuseraient de même envisager la possibilité d'acquérir ces renseignements importants sur l'avenir de la mine Donkin.
Pendant que nous préparions notre rapport, il a été soudainement annoncé dans les médias que la Société de développement du Cap-Breton avait signé une lettre d'intention avec une société privée nouvellement formée au Cap-Breton, Donkin Resources Limited, dans le but d'arriver à une entente dans les 60 jours, premièrement, pour la réalisation d'une étude qui coûterait 400 000 $ devant être financée à 75 p. 100 par le gouvernement fédéral par l'intermédiaire de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, et, deuxièmement, pour la cession du site et le transfert des baux associés à la mine de charbon Donkin et au gisement houiller.
Le comité n'a pas du tout apprécié cette décision. Nous avons avisé le conseil d'administration de Devco qu'il ne devait prendre aucun autre engagement en vue de l'aliénation de cet important actif. Les répercussions sont évidentes. Qu'adviendrait-il des objectifs énoncés dans le plan d'entreprise de Devco, notamment des objectifs en matière de ventes à l'exportation, si Donkin devenait un concurrent? Nous l'ignorons. Quel impact le fait d'avoir Donkin comme concurrent aurait-il sur les autres aspects du plan d'entreprise de Devco?
Il y a évidemment une question plus vaste à laquelle on n'a jamais répondu: le gouvernement a-t-il joué un rôle dans cette décision et, dans l'affirmative, quel rôle a-t-il joué? Ce qui est plus important encore, quelle est la position du gouvernement aujourd'hui concernant cette transaction qui semble vouloir se concrétiser au Cap-Breton en dépit de tout?
Honorables sénateurs, à mon avis, Donkin est la principale question qu'un comité reconstitué devrait examiner.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'hésite à interrompre le sénateur Murray, mais ses quinze minutes sont écoulées.
Le sénateur Graham: Continuez.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Murray: Je vous remercie, honorables sénateurs.
Si la mine Donkin est économiquement viable, elle ne représente rien de moins que l'avenir de l'industrie houillère et de la Société de développement du Cap-Breton.
D'après les normes acceptées en matière de pratiques commerciales et de gestion, qu'est-ce qui pourrait bien justifier qu'on veuille se défaire de cet actif, le dernier appartenant à cette société, de façon si désinvolte et apparemment pour pas cher? Si Donkin n'est pas économiquement viable, alors, comme le
comité le dit dans son rapport, nous arrivons à un point critique en ce qui concerne le développement économique futur du Cap-Breton, et il y a de nouvelles questions que nous devons examiner et de nouvelles décisions que doivent prendre les gouvernements. Il est préférable d'avoir l'information maintenant et d'essayer de l'analyser.
Honorables sénateurs, le week-end dernier, le président de la Devco, M. Shannon, a dit que l'idée de reformer le comité ne l'enchantait pas. Il a accusé plusieurs d'entre nous - et il semble que le sénateur Buchanan et moi-même soyons les coupables - de vouloir microgérer l'entreprise et revoir certaines décisions gestionnelles. Une lecture objective des deux rapports du comité et de nos recommandations unanimes montrera que l'interprétation de M. Shannon est complètement injustifiée.
Dans le rapport qu'ils ont déposé en juin 1996, les membres du comité ont formulé 11 recommandations. La plupart d'entre elles visaient le gouvernement fédéral qui, au nom du Parlement et de la population canadienne, est l'unique actionnaire de cette société d'État. Toutes les recommandations visaient de grandes questions liées à l'action gouvernementale ou à la politique générale. Voilà le rôle que doit jouer un comité parlementaire. Depuis, nous n'avons jamais essayé de revoir le travail de la direction dans l'exercice de ses prérogatives et encore moins de nous immiscer dans ses affaires ni même de commenter, en tant que comité, certaines questions concernant les relations patronales-syndicales.
Quiconque lira objectivement notre rapport et nos recommandations conclura que le comité a exercé, d'une manière constructive et parfaitement impartiale, la responsabilité traditionnelle du Parlement, celle qui l'oblige à surveiller les activités des sociétés d'État créées par des lois du Parlement. Sauf le respect que je dois à M. Shannon, ce n'est pas à lui ni au conseil d'administration de la Devco qu'il appartient de décider de l'avenir d'un actif comme la mine Donkin. C'est au gouvernement et au Parlement du Canada qu'incombe cette responsabilité. Les opinions de M. Shannon sur la mine Donkin sont connues. Depuis 19 mois, il a été dans tous les camps. Il pourrait enseigner à bien des politiciens l'art de faire des pirouettes politiques.
w (1740)
Toutefois, il a changé d'avis. Il fut un temps où il se disait très favorable à l'exploitation de la mine Donkin, allant même jusqu'à demander 750 000 $ au gouvernement fédéral pour mener une étude. Ensuite, il a changé d'idée et l'exploitation de la mine Donkin est devenue la pire idée dont il ait jamais entendu parler et il est même disposé aujourd'hui à concéder la mine et à concéder ainsi l'avenir de l'industrie de l'extraction de la houille au Cap-Breton. Honorables sénateurs, il n'incombe pas àM. Shannon de concéder notre avenir.
Ses avis, favorables ou non, ne devraient pas pour l'instant nous concerner. Il convient plutôt d'inciter les ministres et agents responsables à veiller à ce que les décisions qu'ils prennent soient les meilleurs dans l'intérêt de notre pays et des Canadiens qui vivent et qui travaillent au Cap-Breton.
Un peu plus tôt aujourd'hui, l'honorable leader du gouvernement a parlé de la dynamique économique de l'espoir et de la dynamique économique de la confiance et de la nécessité de redonner espoir et confiance aux Canadiens. Honorables sénateurs, voilà l'objectif que je vise en demandant que soit reconstitué le comité sur la Société de développement du Cap-Breton. Je vous demande donc d'appuyer la motion.
(Sur la motion du sénateur Moore, le débat est ajourné.)
(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)